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Livre : le dérangeant gang des « Barbares » homophobes du sulfureux Erik Rémès

Publié le 12 décembre 2011 par Veryfriendly

Alors que les médias, les faits et les expertises médico-légales nous ont convaincu de la folie sanguinaire du gang des Barbares originel, Rémès n’arrive pas à nous décrire le chaos intérieur qui pousse à une telle radicalité, à une telle violence. Au contraire, elle est presque trop maitrisée pour être cohérente. Chaque paragraphe reprend la sentence "Je suis le Barbare. tu es l'Enculé". Ça ne vrille pas, on est pas emporté dans la folie. Rémès a décortiqué l'esprit d'un criminel, mais n'est pas rentrée dedans. La provocation vu de l'extérieur, c'est nouveau chez Rémès, qu'on aurait aimé voir plus impliqué, plus intrusif, et parfois même, plus provoquant.
Le propos de son bourreau est presque politique : il analyse la société comme le ferait un militant politique. Sauf que l'homophobie n'est pas politique. Elle peut être morale, mais rarement socio-économique. L'écriture est nerveuse, cocaïnée, un peu sale. On est dans la cave. Mais pas dans l'esprit du séquestrateur. Remès s'est placé en observateur dans la pièce. En scrutateur. Mais n'est pas devenu homophobe. Dommage.

"Barbares" pose cependant beaucoup de questions, et c'est là son vrai intêret. Jusqu'où peut aller l'homophobie ? L'actualité nous a prouvé que la violence homophobe pouvait aller très loin, parce qu'elle touche aux tripes des coupables : brûlé, tabassé, caillassé, battu à mort. Les exemples sont nombreux. Mais qui a pensé se mettre dans la tête de l'homophobe, pour mieux la comprendre ? Pour mieux la combattre ? Pour mieux éduquer. En cela, l'exercice de réflexion que propose Rémès est intéressant.
Y-a t-il un lien avec les autres discriminations ? Avec l’antisémitisme par exemple. Les crimes homophobes sont-ils assez couverts par les médias ? Traités avec la même émotion, indignation, force ?
Mais aussi à notre rapport à la violence, particulièrement chez les gays. Entre trips sado-maso et voyeurisme, tendons-nous vers une société plus violente ?
On en parle avec Erik Rémès.
Livre : le dérangeant gang des « Barbares » homophobes du sulfureux Erik Rémès - Pourquoi avoir choisi ce fait-divers-là ?
Pour la portée qu'il a eu dans l'opinion publique. Comment d'un micro évènement (il y a des centaines de rapts et des dizaines de meurtres crapuleux chaque année) on était passé à un énorme fait de société. J'étais habitué de l'autofiction jusqu'en 2003 puis me suis orienté vers des romans tirés de la réalité, comme "Kannibal" qui relate l'histoire du cannibale allemand qui a mangé son partenaire consentant. L'affaire de Youssouf Fofana a été récupérée par le lobby juif et le gouvernement sans qu'on démontre vraiment les racines antisémites de ce crime. On a assisté à une véritable ferveur nationale contre ce fait-divers.

- Faut-il voir dans votre "roman" une mise en perspective de l’homophobie de la société ?
J'ai transformé ce "crime antisémite" en meurtre homophobe puisque je connais bien la question gay. Oui bien sûr, l'homophobie est toujours présente malgré ce que l'on veut bien croire. La tolérance est superficielle. Si on gratte un peu le vernis bien pensant, on tombe sur le rejet et la haine de l'autre qui caractérise notre société actuelle.

- Selon vous, cela aurait pu arriver vraiment à un homosexuel d’être ainsi martyrisé ?
C'est bien arrivé à un Juif, cela aurait pu advenir à un gay. Je ne crois pas à l'origine antisémite du rapt d'Ilan Halimi. On a simplement affaire à un racisme antiblanc et antiriche de la part de jeunes de banlieues qui sont refoulés de la société de consommation. Dans le livre je mets en parallèle les émeutes urbaines de 2005 avec l’histoire des Barabres : les exclus du système se révoltent. Et tant mieux. Je suis pour la révolution et l'anarchie.

- L’enlèvement d’Ilan Halimi était-il pour vous, au-delà de la barbarie du « fait divers », un symbole, un signe des temps, un stigmate de notre époque ?
Le monde est plus souvent régi par la haine que par l'amour de l'autre, c’est un fait. Notre civilisation n'a plus d'éthique ni de Dieu. Et tant mieux.

- Quel rapport y-a-t-il selon vous entre l’antisémitisme et l’homophobie ?
La haine de l'autre qui caractérise bien nos sociétés dépressives.

- En se plongeant dans la tête d’un homophobe ultra-violent, le comprends- t-on mieux ? En avez-vous tiré des enseignements pour lutter contre l’homophobie ? Ou contre la barbarie ?
Je ne cherche pas à lutter contre l'homophobie, la barbarie ou quoi que ce soit d’autre, je souhaite seulement la dépeindre, écrire l'autofiction de Youssouf Fofana. Avec ce roman le lecteur se met dans la tête du barbare et en vient à jouir des tortures qui sont infligées au martyr. C’est le côté très sexuel de ce roman, très sadomasochiste.

- Il y a déjà eu "Tout, tout de suite " de Morgan Sportès (Prix interallié) sur l'affaire, que vouliez vous apporter de plus de traiter le même fait ? L'avez-vous aimé ?
J'ai commencé mon roman en 2007, bien avant le Sportes. Il y a eu plusieurs livres sur le sujet, toujours à charge. Moi, je me suis mis dans la peau du barbare, sans le juger (c'est cela qui est nouveau et monstrueux), pour relater les faits de son point de vue, de l'intérieur. C'est en cela que ma démarche est originale et violente. J’ai eu beaucoup de mal à trouver un éditeur. Mes deux éditeurs historiques ne m’ont pas suivi à cause du marasme économique et de la crainte du lobby juif. Christophe Lucquin de LC Éditions et une autre petite maison voulaient l’éditer. Des maisons d’édition récentes et montées par de jeunes hommes engagés. J’ai quarante-sept ans, mon éditeur en a 30... Barbares est un livre-choc, révoltant, écœurant. Il faut être fort pour pouvoir le lire. Ce n'est pas à la portée de tout le monde, comme ces lecteurs qui ne veulent entendre que de jolies histoires avec des sentiments baveux et plats. Oui, la vie est difficile aujourd’hui, mais ce n’est pas une raison pour être aveugle à la réalité. Je ne suis pas sur terre pour écrire des romans à l'eau de rose. Je suis un écrivain underground.

- Vous aviez déjà écrit "Kannibal", sur un autre fait divers sanglant : est-ce une fascination pour la violence, la violence envers les gays, la violence de la société ? Les deux récits ont quand même beaucoup de points communs non ?
Oui, autant j'essaye d'être positif et pédagogue dans mes livres sur la sexualité, autant, pour mes romans, je suis attiré par les forces du mal, le côté obscur de la force. Barbares est un récit gore, un livre d'horreur, mais qui plonge dans la réalité. C'est une apocalypse bien réelle. De toute façon, notre société occidentale est totalement décadente. Par mes livres, je souhaite participer à sa destruction. Je suis un écrivain terroriste.
"Barbares", LC Editions
Collection : suspense noir
Pages : 130
Prix : 7,49 € / 15 €

Livre : « Pourquoi j’ai tué Françoise Sagan ». Bonjour coming-out, folie et vitesse !
Lire l’interview de Christophe Lucquin, des éditions LC ici !

Erik Rémès, 45 ans, écrivain, journaliste et peintre, est titulaire de maîtrises de psychologie clinique et de philosophie. Journaliste depuis la fin des années 80, notamment à Libération, Nova Magazine et Gai Pied Hebdo. Il est également sexologue et coach de vie, ancien éleve de l'institut de sexologie de Paris 7 Jussieu.
Il est également l’auteur de quatre romans sulfureux, "Je bande donc je suis", (Balland, 1999, Blanche, 2004), "Le Maître des amours" (Balland, 2000) "Serial Fucker, journal d’un barebacker", (Blanche, 2003), qui fit scandale à sa sortie pour avoir aborder sans faux-semblant, les pratiques à risques sexuelles. Iconoclaste et provocateur, il fut mis au ban même de la communauté gay. Il a publié fin 2007 "Kannibal" aux editions Blanche. Il a publié en 2003 et 2004 "le Guide du sexe gay" et le "Sexe guide" aux éditions Blanche remarqués pour leur sexualité libertaire.En 2005 il publie "Osez les conseils d'un gay pour faire l'amour aux hommes" à La Musardine.

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