A propos d‘Oh my God ! de Tanya Wexler
Hugh Dancy, Maggie Gyllenhaal
A Londres, en 1880, Mortimer Granville, un jeune médecin, devient l’assistant du Docteur Dalrymple, dont la spécialité est de traiter l’«hystérie féminine » par des massages vaginaux. Mais Mortimer est victime de crampes répétées à la main qui l’empêchent de correctement « exercer ». Courtisant au départ par la prude Emily, l’une des filles du Docteur Dalrymple, Mortimer se sent de plus en plus attiré par Charlotte, sa soeur ainée, qui s’occupe d’un foyer pour démunis et milite pour les Droits des femmes…
Inspirée par la vie du véritable Docteur Mortimer Granville (1833-1900), Oh my God ! (le titre original en anglais est Hysteria) est une combinaison élégante, habile de scénario, qui mélange Histoire et fiction, romance et éléments biographiques sur l’inventeur du vibromasseur.
Le film se situe dans les années 1880 à Londres, à l’apogée de l’époque victorienne et de la Révolution industrielle, mais aussi dans une période d’ébullition scientifique marquée par les recherches de Charcot (1825-1893) et de Freud (1856-1939) sur l’hystérie.
Mortimer Granville est un médecin que l’on pourrait qualifier de progressiste. Dès le début du film, il s’emporte contre les méthodes désuètes d’un vieux médecin qui ne préconise aucune hygiène spécifique pour les médecins ni pour le changement des pansements alors que selon des études récentes, la saleté et les microbes seraient responsables de la gangrène et de la septicémie.
Granville, et c’est l’un de ses paradoxes, va pourtant entrer au service d’un médecin pour « Dames » qui ne soigne que les grandes bourgeoises de Londres et refuse de recevoir dans son cabinet des pauvres même avec une cheville cassée…
Peu étonnant dès lors qu’il s’amourache de la charismatique et virulente Charlotte Dalrymple, militante socialiste et féministe, sorte de Louise Weiss anglaise au charme ravageur et à la personnalité pour le moins… percutante.
Virevoltante, impulsive (pour ne pas dire explosive), « volatile » et « fantasque », Charlotte n’en est pas moins une humaniste convaincue que l’Angleterre est restée à l’Age de Pierre en considérant encore les femmes tout juste aptes à faire la cuisine et le ménage.
Il est vrai qu’en ces temps de progrès et de révolution industrielle et scientifique, le statut des femmes en Angleterre (comme en France) est tout simplement une régression et une insulte à l’Humanité. N’ayant pas le droit de vote ni même celui de rentrer à l’Université, les femmes sont considérées clairement comme des êtres inférieurs en Angleterre. Et quand elles se mettent en colère contre leur condition ou leurs maris décevants (au lit, notamment), on les traite tout simplement d’hystériques. Le massage clitoridien était une véritable pratique de la médecine anglaise de la fin du XIXème siècle. Censé guérir les femmes de leur « hystérie » ou contenir une poussée d’hormones trop… insatiable, le massage médicinal devait calmer la nervosité, l’irritabilité et permettre aux femmes de retrouver le sommeil !
Rupert Everett
Lorsque leur hystérie atteignait un seuil trop élevé, on leur coupait ni plus ni moins les ovaires. Histoire de ne plus les entendre crier. La barbarie de l’ovariectomie ne faisait-elle pas injure au progrès technologique ? Le terme d’hystérie féminine, déjà considérée par Mortimer comme une « fiction », sera supprimé des manuels de médecine en 1952 et considéré (enfin !) par la vénérable American Psychiatric Association comme un mythe et non une véritable maladie.
Reprenant librement cette histoire de la médecine et de la psychanalyse modernes, Tanya Wexler livre une comédie pour le coup jouissive, avec des acteurs remarquables, à commencer par la pétillante Maggie Gyllenhaal (Charlotte).
La mise en scène est enlevée, les vannes fusent, les situations farfelues et grotesques affluent, s’accompagnant d’un humour délicieusement « british » et cynique. Les dialogues, finement ciselés, aident grandement à donner vie et relief à cette histoire. Avec talent, Wexler évite le piège du graveleux ou du vulgaire tout en abordant des sujets pour le moins… intimes.
A la différence d’A dangerous method de Cronenberg qui sort mercredi prochain, on est ici dans l’humour et le décalage permanents et Tanya Wexler s’affranchit joyeusement des contraintes de la véracité historique (même si son film est très bien étayé).
L’ironie et le décalage permanents caractérisent Oh my God ! La première farce vient du refus de Mortimer d’accepter l’idée que les médecins donneraient du « plaisir » à leurs patientes par le massage du sexe féminin. « Mais que leur procurent-ils alors ? » demande Charlotte dans un éclat de rire.
Jubilatoire, c’est le mot qui revient sur les lèvres en regardant cette comédie. Et lorsque l’on entend les rires omniprésents dans la salle, on se dit, comme devant Intouchables, que les gens semblent avoir vraiment besoin de rire en ce moment, peut-être pour oublier la crise. Alors lorsqu’une comédie est aussi réussie (merci à Rupert Everett et consorts), pourquoi s’en priver ?…
www.youtube.com/watch?v=RqXokQzOINo
Film britannique de Tanya Wexler avec Maggie Gyllenhaal, Hugh Dancy, Ruppert Everett, Johathan Pryce… (01 h 39).
Scénario :
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