30 - Le corps qui parle (2ème partie)

Publié le 04 mars 2008 par Theophile

Les gémissements de son refus me réveillent. Cette nuit là.
Sans doute, une des plus terribles.
Ma mère refuse la lourdeur de son corps sur le sien.

Ma mère a réussi pendant toutes ces années à faire respecter son corps et de ne jamais le contraindre à se soumettre à son désir sexuel. Un total refus de se voir dans cette position, captive. Soumise. Apprivoisée. Allongée sur le dos, son souffle ardent et animal sur le visage. Ses mains robustes et moites sur sa poitrine. Son sexe dur et puissant en elle.

Cette nuit-là. Cette nuit terrible. Il n'a pas accepté que Myriam ne le désire pas.

Les mots les plus abominables retentissent dans cette nuit froide, dont le paysage couvert d'une large enveloppe de neige, plante un décor glacial à toute la scène.
"L'autre" assène de nombreux coups sur le visage de ma mère. Ma soeur et moi, hurlons, à genoux, pour le faire cesser. Il la tient par les cheveux, et vocifère telle une bête humaine entrée en furie.
Ma mère est presque nue. Seul son soutien-gorge déchiré lui couvre le sein. Elle essaye de se protéger de ses coups et de cacher son corps, humiliée par cette nudité, à la vue de ses enfants.

    - Va faire ta pute ailleurs que dans mon lit... Tu baises trop toute la journée, pour coucher avec moi le soir ! espèce de putain !

La furie de "l'autre" et l'humiliation de ma mère, nous empêchaient, ma soeur et moi, de nous approcher de trop près de  la violence qui se dégageait de leur combat.

    - Lâche-la ! Arrête ! Maman !
    - Papa ! Arrête ! Mon dieu ! Papa ! Laisse-la !

Je parviens malgré tout à lui saisir l'avant-bras qui porte les coups sur le corps fragile et nu de ma mère. Il me pousse alors avec une telle violence, que je me retrouve projeté sur le sol.
Continuant son triomphe maltraitant, il pousse ma mère du hauts des escaliers. Celle-ci trébuche, mais parvient à se rattraper, et évite une chute qui aurait pu être fatale. Il la suit et la saisit à nouveau par les cheveux.

    - Allez... va dehors faire ta chienne !

Il la traîne jusqu'à la porte d'entrée de la maison. Ma soeur et moi le suivons, en essayant de l'attraper par son tee-shirt pour l'empêcher de porter ses coups de poing sur le visage de notre mère. Il ouvre la porte d'entrée qui était fermée à clé d'une main et la projette au-dehors. Ma mère s'écroule alors sur le gravier recouvert de neige.

    - Allez... voilà... va faire ta pute !

Ma soeur et moi, qui sommes en pyjama, sortons dehors pour protéger ma mère. La violence du froid sur nos corps, nous saisit tous les trois, telle une gifle gigantesque.

    - Fais donc ta pute, devant tes enfants !

Il ferme la porte derrière lui, et deux tours de clé éclatent dans cette nuit d'hiver glacial. Tous les trois dehors, glacés. Nous nous blottissons les uns contre les autres pour nous réchauffer, et nous réconforter. Je sens sous mes mains le corps transit de ma mère, tremblotante d'effroi et d'humiliation, de se retrouver nue, avec ses enfants, dehors, en pleine nuit sous la neige. Nos respirations haletantes dessinent une épaisse fumée sous le rayon de lune qui se reflète sur le vaste tapis blanc qui nous entoure.
Après quelques minutes, nous décidons de prendre refuge dans le garage. La température est la même que l'extérieur, mais nous y trouvons quelques couvertures sales pour nous couvrir.
Ma mère s'effondre. Ma soeur s'effondre. Je m'effondre.
De longues minutes s'écoulent, pendant lesquelles nos larmes, nos hoquets, notre souffrance s'évacuent à travers le claquement de nos dents.
Nos lèvres bleues. Nos doigts gelés. Nous oscillons entre réconforter les uns et s'abandonner dans l'enlacement des autres.

Puis, au bout d'une bonne heure, nous entendons sa voix, au loin, qui transgresse le silence de la nuit.

    - Myriam ! Les enfants ! allez ! Entrez maintenant !

Nous nous dirigeons vers l'entrée de la maison. La porte est restée entrebâillée.
Nous entrons à l'intérieur. Dans la chaleur.
Il n'est pas là.
Il est monté se coucher.
Laissant derrière lui, sa famille frigorifiée.
Il est parti s'endormir. Sa crise passée. Comme un mauvais souvenir laissé derrière lui. Dans la tranquillité. Il a regagné son lit. Soulagé car défoulé de sa cruauté. Allongé sur son lit comme un monarque. Il s'endort. Apaisé.

Nous sommes tous les trois dans la cuisine. Nous nous réchauffons. Ma mère prépare du café. L'envie de s'endormir nous est passée. Nous parlons longuement. Discrètement. Par de longs chuchotements, nous élaborons notre fuite. Organisation aigüe pour une fuite définitive.
C'est pour demain matin...