Dès l'âge de 5 ans, Jean-Pierre est fasciné par Barthélémy, un garçon un peu étrange et fragile, qui a tout ce que les petits garçons rêvent à cet âge là. La beauté, l’intelligence, un gros sexe… Pour tromper son ennui et marquer sa virilité, il martyrise qui lui passe sous la main, et surtout Barthélémy, alias Mimi. Mimi est son antithèse. Fils d’intellectuels communistes, ouverts à l’art et à la réflexion.
JP ne va pas suivre la même route que Mimi mais un chemin parallèle, un peu trop parallèle, beaucoup trop. Jusqu’un jour, quelques 20 ans plus tard, où JP tente de les apparences et d’échapper à ses démons, et retrouve Barthélémy, serein et apparemment épanoui. Lequel cache un secret, lequel assume ses fantasmes, lequel refoule sa monstruosité, sa déviance intime : JP est persuadé que c’est Mimi.
C’est le roman d’une folie, d’une incapacité à se dire, avec des mots, ce qu’on est, de se regarder. Tout simplement parce qu’on n’est pas armé, pas éduqué pour ça. Mais armé de sa violence verbale et physique, la seule parade que le corps ait trouvée pour se défendre du désir inassouvi.
JP ne veut pas juste Mimi, il aurait aimé être Mimi. Sa facilité, ses amis, sa réussite. Alors il le déteste. C’est plus facile que de l’admirer. Cette fascination un peu étrange qui va lier va se transformer en thriller psychologique calibré. La répétition, la narration parfaite de Sébastien Marnier érige comme une cité des 4000, pierre après pierre, une psychologie. Le plus dur à écrire, dans son détail et dans son intensité. Puis, on entend la déflagration de la tour intime qui s’écroule, cédant sous le poids de tout ce qui a été refoulé.
JP a su tout transforme en or. Il a aussi réussi parce qu’il a dû. Parce qu’il le fallait, pour se sauver. JP aussi, est devenu ce bon à rien, parce qu’il le fallait, pour ne pas trop s’éloigner de ce qu’il connaissait, de ce qui était prévu pour lui dans son milieu. JP n’a su faire que du ciment qui ne parvient plus à colmater toutes les brèches que fait exploser l’envie qui sommeille. Les deux héros tentent de fuir leur propre déterminisme social, et leur monde étriqués. A leur vérité. En vain.
Subtilement tricotée de page en page, la violence intérieure de cette sexualité / fascination qui ne s’avoue jamais est délicieuse pour l’amateur de bonne littérature, mais si sauvage pour la sensibilité du lecteur. Ca parle vrai, ça dit des choses profondes avec les mots les plus prosaïques.
Mimi, éditions Fayard, sortie le 24 août 2011 (455 p.)
A VOIR : la chronique du libraire Gérard Collard.