Rewind : les absents des Oscars/Césars, Il n’y a pas de rapport sexuel, House of Lies et Southland

Publié le 28 janvier 2012 par Yccallmejulie

Aujourd’hui débarque une nouvelle rubrique (à déguster le week-end) nourrie par NecRubiKon qui a accepté d’utiliser l’espace de ce blog pour nous faire part de ses avis sur l’actu ciné, tv, et autres du moment. Cette semaine dans le Rewind de NecRubiKon : les absents des Césars et Oscars, Il n’y a pas de rapport sexuel de Raphaël Siboni et une analyse queer des séries House of Lies et Southland.

WE NEED TO TALK ABOUT TILDA (& CELINE)

Sans m’étendre sur la grande annonce de la semaine, à savoir les nominations aux Oscars nul doute que les plus grands absents de la liste, à savoir Michael Fassbender et Tilda Swinton, n’oublieront pas que 2011 fut une grande année pour eux. Tilda Swinton avait autre chose à fêter cette semaine (en classieux complet Céline – voir photo), à savoir la présentation au Core Club de New York du court-métrage Here, qu’elle a conçu en compagnie de son metteur en scène d’ Io Sono L’Amore, Luca Guadagnino, pour la chaînes d’hôtels Luxury Collection. Qui mieux qu’elle pouvait personnifier cette profusion de minimalisme chic, de classe tout en pudeur et de perfection? Or, semblable à sa déjà légendaire humilité, elle n’a pas choisi de se mettre en scène et a fait appel à une autre déesse pour se mettre de l’autre côté de la caméra, à savoir la sculpturale Agyness Deyn, qui convoque les fantômes des grandes héroïnes hitchcockiennes, de Kim Novak à Tippi Hedren, en les plongeant dans un jeu de pistes, les projetant un peu partout à travers le globe, dans les sites de luxueux hôtels Starwood,  étourdissant de beauté et réminsicent du dernier long-métrage du réalisateur. Il faut le dire, ça a quand même une autre gueule que le néanmoins sympathique court-métrage de John Cameron Mitchell et Marion Cotillard réinvestissaient les rôles de Richard Avedon et Lauren Hutton, et, ironiquement, cela reste dans la droite lignée du grand thème célébré par la profession cette année, à savoir l’hommage par le pastiche à l’Age d’Or du cinéma ( The Artist, le Méliès de Hugo Cabret, ou la Monroe de My Week With Marilyn..;)

Céline Sciamma et Adele Haenel au cocktail des Révélations Césars 2012

Plus près de nous, les nominations des Césars ont, elles aussi, fatalement commis quelques injustices. En même temps, en gonflant plusieurs de ses catégories à sept nommé(e)s, elle a bien pris en compte le caractère assez fastueux de cette année grand cru pour le cinéma français. Bien évidemment, c’est l’absence de Céline Sciamma et de  Tomboy qu’on remarquera immédiatement, mais plus encore, celle de Bertrand Bonello et de son Apollonide (à mes yeux, le plus beau film français de l’année) surtout quand l’Académie essaie de se la jouer aussi bien hipster  (Alain Cavalier et Pater ? Vraiment?), bon et grand  public  (les Toldenano/Nakache et Intouchables) qu’ oecuménique (Aki Kaürismaki et Le Havre). Le fait que, non pas un mais ces trois aient damé le pion à  L’Apollonide – Souvenirs de la maison close me révulse au plus haut point (le premier, surtout). D’ailleurs, à mes yeux, Céline aurait largement également mérité de leur passer devant. Ravi en revanche pour le succès (plus attendu, certes) de Valérie Donzelli et Maïwenn, et, si contre-courant il y a, j’espère qu’une d’elles – voire les deux – emporte la mise en scène, même si il semble que rien ne puisse barrer la barre à Hazanavicius cette année et, sans la considération de Bonello, à juste titre.

MONDO GONZO

Enfin, largement moins glamour, je vous recommande, si ce n’a pas déjà été fait, d’aller voir Il n’y a pas de rapport sexuel de Raphaël Siboni (bande-annonce ici), entreprise de désacralisation cash mais en même temps légère de l’envers du X, à travers un montage constitué à partir de milliers d’heures de rushes des making-of des tournages de l’acteur-producteur-réalisateur HPG. Ici, on appelle un chat un chat, on montre littéralement ce qu’il y a voir, la lumière n’est jamais tamisée et c’est de façon très crue et honnête qu’est présenté l’envers de ces décors. Honnête, car le réalisateur, issu de l’art contemporain, ne cherche pas à tomber dans le glauque ni pour autant à l’éviter. En reprenant pour titre la phrase de Lacan, il met bien en évidence que le spectacle ici présenté est paradoxalement dilué dans un mécanisme étouffant , répondant au rythme de la production industrielle. Pourtant,  il y distille de façon aussi naturelle des moments de tendresse, comme ces deux acteurs se réconfortant dans une étreinte lors d’une pause, ou encore cette obèse joviale qui sortait visiblement d’une longue « saison sèche »;  des moments de cruauté et de drôlerie, parfois en même temps (ah le pauvre acteur « puceau » de tournage qui se voit pour ses premiers pas invité/berné/influencé à tourner une scène gay parce que « oh, c’est con, l’acteur qui devait faire le passif n’est pas là, c’est-y pas dommage », ou encore ces acteurs enthousiasmés par une scène BDSM gay, avec sling et balançoire à la clé, mais avec le sourire imperturbablement scotché aux lèvres, les yeux nimbés de vapeurs de GHB, qui aboutit sur une coda loufoque, dérangeante et puissante de tout ce petit monde en descente, entre sérénité et épuisement).

 THE F WORD

Côté petit écran, Je reviendrais d’abord cette semaine sur la nouveauté House of Lies. Si vous avez été teasé(e) par la vidéo montrée dans la rubrique A l’heure américaine, sachez que vous n’en verrez pas plus : les deux femmes qui fricotent dans les toilettes, semblent avoir été surtout prétexte pour introduire la Némésis de Marty Kaan, le personnage principal interprété par Don Cheadle. Depuis, rien n’a été développé, que ce soit sur un plan narratif ou à l’échelle humaine. Il s’agit de vendre du pitch, de l’accroche publicitaire, un ton subversif (qui consiste surtout à aligner des clichés m’as-tu-vu et une boursouflure de l’ensemble pesant par son inconsistance). Un des seuls fils rouges pour moi viable est Roscoe Kaan (Donis Leonard Jr.) fils du personnage principal qui, dans le pilote, s’habillait en jupes et collants rose/fuschia/mauve et rêvait de jouer Sandy dans une adaptation de Grease pour son école. J’étais donc curieux de voir jusqu’où cette série si « subversive » irait s’aventurer pour développer cette thématique. A priori pas bien loin. Soit c’est juste une phase – après tout, c’est normal, il est trop jeune pour savoir qui il est vraiment, et expérimente donc à sa façon. Soit, c’est une position revendiquée.  Mais, quand le fils, en appât, glisse discrètement à son père qu’on l’a traité de « fudge-packer » (terme qui désigne, en langage imagé, un homo), c’est d’abord pour faire valoir que Marty Kaan est un type bien au fond – pas comme son ex-épouse et mère du garçon, immédiatement identifiée comme mauvaise (elle a rompu contact avec son fils et ne supporte pas l’idée d’avoir donné naissance à un futur « tranny », travesti). Dans le tout dernier épisode, le fils demande de but en blanc s’il est normal d’aimer à la fois un garçon… et une fille. Balancée de façon totale à l’arrache, cette réplique sert, bien sûr, à poser au centre de la scène le papa, ce « héros qui est sûrement bon au fond ». L’ensemble est traité avec lourdeur, arrogance et prétention et,  en guise de personnages, on a surtout droit à des pantins destinés à vendre le ton décalé des séries de la chaîne Showtime. C’est là que le souvenir d’ United States of Tara, qui avait la décence de présenter son personnage de type homosexuel comme un personnage à part entière, s’est rappelé à moi, et que, celle-ci disparue des écrans, je ne vois pas plus rien d’un tant soit peu intéressant à me mettre sous la dent sur cette chaîne.

Rose Rollins - Southland

Dans les bonnes nouvelles, par contre, je suis ravi de reprendre une dose hebdomadaire de l’excellente série Southland, annulée prématurément par NBC – quand on voit ce qui leur reste aujourd’hui, c’est limite bien fait pour leur gueule – et reprise depuis sur TNT.  Pour un cop-show situé à L.A., la série désarçonne vraiment, se rapprochant plus des territoires visités par les Michael Mann, Frederick Wiseman, et des policiers des années 70 que du bling-bling des succès à la CBS. Je suis sûr que certains trouveront à redire sur la description un poil trop parcimonieuse de l’identité sexuelle de l’officier John Cooper (Michael Cudlitz), savamment rebaptisé par les fans « Cuddlybear » ou « l’ourson qu’on a envie de serrer fort dans ses bras »), dont le nom reflète assez bien le caractère classique du personnage.  Après tapé un grand coup de pied dans fourmilière à ses débuts, en nous présentant cet “All-Amercian hero” échappant aux stéréotypes médiatiques des personnages gays, la série a pris avec des pincettes le développement de cet aspect du personnage et ne l’a convoqué que par petites touches. Bien que fines, elles sont visuellement assez fortes, par leur subtilité et leur caractère imposant à la fois, et il n’en faut pas plus – pour l’instant. Lors de la saison précédente, la sexualité de John Cooper n’a pas vraiment été mise en valeur, servant un peu trop de miroir à ses penchants addictifs, mais je ne pense pas qu’elle y a été dépeinte de façon à le noyer dans une spirale. Cette série est magnifique par son réalisme, sa crédibilité, son absence de spectaculaire qui permet à cette dimension-là de rejaillir de façon plus nue et percutante. Du côté des personnages féminins, si l’on regrette l’absence d’Arija Bareikis qui jouait l’officier Chickie Brown, on est soulagé de se rappeler que la détective Lydia Adams est un des plus beaux personnages de la série et à quel point l’actrice qui l’incarne, Regina King, demeure toujours aussi fantastique, fascinante de subtilité et -hélas – cruellement sous-estimée. Si j’attends encore un peu avant de juger l’addition de Lucy Liu au casting, on sera, je pense, tous ravis d’apprendre que Rose Rollins (The L Word) porte aussi bien l’uniforme de flic que celui de militaire.