Interview de Trashy Toy

Publié le 02 février 2012 par Gothmarilyne @gothmarilyne

La beauté et la peur se réunissent dans le travail délirant de cette artiste autodidacte qui met à l’épreuve votre imagination. Trashy Toy fait partie de ces créateurs passionnés qui sont capables de tout faire de A à Z : de la construction du décor à la retouche photo, en passant par la création des tenues et accessoires en carton ou du maquillage et de la coiffure, et bien souvent elle pose elle-même devant son objectif. C’est avec un grand plaisir que nous vous invitons à plonger dans l’univers sombre et merveilleux de cette jeune et talentueuse photographe aux multiples talents qui mérite toute votre attention…


www.trashytoy.com

Par où commencer, tu es modèle, graphiste, photographe… tu as beaucoup de talents ! Mais laquelle de ces activités préfères tu ou dans laquelle excelles-tu ?

Ces activités correspondent toutes à une de mes facettes, elles comblent mes envies créatives par période.
Je pense avoir le plus de compétences en graphisme, mais je préfère la pratique de la photographie et je ne demande qu’à progresser dans ce domaine.

Comment es-tu arrivée à porter toutes ces casquettes, peux tu nous décrire ton parcours professionnel et artistique ?

Je dessinais et peignais souvent, et l’arrivée d’internet m’a naturellement donné envie de me plonger dans le graphisme en autodidacte, avec des tutoriaux.
Parallèlement je me passionnais pour les courants alternatifs. J’ai commencé à poser en tant que modèle en 2004, pour Freyagushi une créatrice de vêtements excentriques.
C’était un peu frustrant d’être modèle quand on a l’idée exacte de l’image que l’on voudrait faire. J’ai donc appris à réaliser et à retoucher mes propres photos.
J’étais au lycée et je suivais des études scientifiques. Ma famille ne voulait pas que j’exerce un métier artistique mais c’était plus fort que moi ! Mon esprit s’évadait facilement et l’envie de consacrer toujours plus de temps à la création prenait le dessus.
J’ai dû les convaincre pour m’aider financièrement et m’inscrire dans une école de communication visuelle pendant 3 ans. À présent je recherche un emploi dans le domaine du graphisme, idéalement de la retouche photo, tout en continuant mes projets personnels en tant que modèle et photographe. Ce n’est pas facile mais je préfère commencer ma vie professionnelle en essayant de faire ce qui me passionne et ne rien regretter.

Ton univers est riche… comment le définirais-tu ?

Mon univers est un terrain de jeux avec plein de thèmes que j’ai envie d’explorer. À la manière de strates qui s’additionnent au fil du temps et dans lesquelles je creuse en fonction de mes envies ou besoins.
D’une façon générale on peut le qualifier d’étrange, onirique, sombre, décalé, inquiétant… Je ne veux pas vraiment le définir car je ne veux pas le limiter, il est en constante évolution.

Quelles émotions as tu envie de faire passer à travers ton art ?

Je voudrais susciter un certain plaisir esthétique qui donnerait une autre dimension à ce que nous trouvons repoussant ou juste de « mauvais goût ».
Il m’arrive de créer pour exorciser mes peurs ou mes souffrances, c’est une façon de me décharger. J’aime bien inquiéter mais attirer.
Je ne voudrais cependant pas être enfermée dans un cliché et je pense qu’il est important que chacun puisse rester libre de ressentir des émotions différentes devant une même image.

Quelles sont les techniques que tu utilises pour tes illustrations et pour tes photos ?

Pour l’illustration je dessine une base au crayon que je repasse à l’encre noire. J’ajoute de la matière, des tâches, des coulures, des mélanges de couleurs inattendus. Généralement je fais tout ça directement sur le papier, et je retouche peu ces illustrations.
Il y en a d’autres que je retrace et colore par ordinateur, pour des sites web ou des T-shirt imprimés par exemple. Mais je préfère sentir la plume ou le pinceau sur le papier, faire ma petite « cuisine », et me forcer à accepter le côté aléatoire et irréversible de cette technique. Finalement la spontanéité apporte sa part de charme à l’illustration.
J’utilise la photographie comme une autre forme d’illustration, j’aime passer du temps à la construction d’un personnage plongé dans un univers. Je retouche beaucoup avec Lightroom et Photoshop pour me rapprocher d’un effet de peinture, ajouter des textures, d’autres fois pour combler mon manque de moyens techniques ou mes erreurs. J’essaye de m’améliorer pour faire de belles images uniquement grâce à la lumière et à la composition, même si je sais que je ne pourrai pas m’empêcher de les retoucher.

Quelles sont tes sources d’inspiration ? tes artistes préférés ?

Les premiers visuels qui m’ont inspiré proviennent des mouvements punk, riot girl, gothique et de la musique industrielle.
J’aime aussi beaucoup tous ces illustrateurs farfelus que l’on peut trouver dans les magasines « Hi Fructose » ou « Juxtapoz ». Mes préférés sont Trevor Brown, Mark Ryden et Ray Caesar.
Pour la photographie je suis attirée vers l’univers de la mode accompagnée d’une grosse touche d’originalité, d’un côté glamour, provocant et fetish. J’admire Eugenio Recuenco, David Lachapelle, Ewin Olaf et Bruno Dayan.
Certains blogs ou communautés m’aident beaucoup pour découvrir de nouveaux artistes, par exemple le site « Who Killed Bambi ? », « Anormal Mag » ou la page « The Macabre And the Beautifully Grotesque » sur facebook.

Quels sont les thèmes que tu n’as pas encore explorés tant dans la photo que dans l’illustration ?

Sans doute beaucoup… En photographie, par exemple je n’ai jamais fait de nu ou de nature morte, je n’ai pas fait non plus de photos de paysages ou de reportages.
En illustration, je ne me suis jamais trop penchée sur les mangas ou les bandes dessinées. Puis j’aimerais savoir dessiner de façon plus réaliste, dans les proportions, mais ça me demanderait trop d’entraînement et ça ne fait pas partie de mes priorités.

Je suppose que tes séances photos sont très atypiques, comment ça se passe la séance en elle-même et la post-prod ?

Mes séances photos naissent par plaisir. Parfois j’ai une idée précise et je me charge de tout faire moi-même.
Les préparatifs sont assez longs, il faut parfois réunir divers objets et construire un décor. Il m’arrive aussi de créer des accessoires et des vêtements en cartons, ou de m’essayer au maquillage et à la coiffure.
Les collaborations avec d’autres artistes spécialisés m’obligent à faire plus de compromis. Parfois j’accepte aussi de réaliser un projet sur demande.
Chacun s’adapte, nous partons d’une idée, et nous la faisons évoluer. J’ai souvent travaillé avec Aurore Bruna au maquillage et Lilie Stereo à la coiffure.
La plupart des séances photos se passent chez moi, dans ma chambre. Je la réaménage en studio photo pour l’occasion. Je possède deux flash avec des boites à lumières, et ils occupent très vite toute la place…
Je n’ai pas beaucoup de recul, j’utilise un grand angle si je veux une photo en pied du modèle. Je suis également obligée d’ajouter du fond sur les bords en post-production.
Pendant la séance photo je guide le modèle en fonction des images que je voudrais, mais je réserve aussi des moments pour l’improvisation.
Je prends parfois plus d’une centaine de clichés bruts par thème. J’en sélectionne un à cinq, lorsqu’il n’y a pas de demande particulière. Je retouche en pensant que l’harmonie et l’esthétique prime par rapport au naturel de la photo brute. Je commence sur Lightroom, pour renforcer l’ambiance générale de la série. Je passe sur Photoshop pour les retouches en détail sur chaque photo.

Où te vois tu dans 10 ans, quels sont tes objectifs et tes futurs projets ?

Je dois faire l’effort de rester optimiste pour te répondre…
Idéalement, je voudrais partir sur la côte Ouest des États-Unis, mais j’irai dans n’importe quel pays qui me permettrait de réaliser mon objectif : partager un immense studio. Je rêve d’avoir plein de matériels pour photographier dans des décors toujours plus sophistiqués. J’aimerais travailler pour des magazines de modes et des artistes musicaux. Parallèlement je désire continuer mes projets personnels et faire des expositions.

Une fois au Paradis ou en Enfer, qu’aimerais-tu que Dieu ou Satan te dise ?

Qu’il m’achève en me disant que c’est toujours lui qui décide par avance du chemin que l’on prend. Au moins j’arrêterai enfin de me poser tant de questions sur mes choix et leurs conséquences et je pourrai dormir en paix.

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