Rewind: « En Secret », Portia de Rossi, Kate Moennig, « Southland », Un Nouveau Festival

Publié le 19 février 2012 par Yccallmejulie
COPINES CONFORM(IST)ES

C’est con à dire, mais quelque part, le fait que Circumstance/En Secret ne fasse pas complètement l’unanimité ici et se reçoit un minimum de volée de bois vert, même si pas suffisamment à mon goût, me rassure : je me suis franchement demandé qui, du film ou de moi, était passé à côté de la plaque. Je n’attendais pourtant rien du film, et avais bien évidemment, comme beaucoup, été intrigué par le sujet du film dont on ne peut, sur le papier, nier l’audace, mais c’est à peu près tout, et je ne suis même pas sûr de pouvoir réellement qualifier d’ «audacieux» un film qui non seulement peine seulement à construire, donner chair à son récit, mais qui semble n’exister simplement à travers sa note d’intention, les «grands thèmes» qu’il ne se contente que d’effleurer, sans jamais parvenir à laisser ses personnages s’incarner au-delà de leurs postures, voire caricatures. C’est d’ailleurs peut-être là son échec principal: forcer un processus d’identification de façon tellement manichéenne et poussive qu’il finit par ne plus avoir de recul sur l’histoire racontée, et par se disperser.

D’ailleurs, une fois n’est pas coutume, je veux bien admettre l’incapacité du distributeur à trouver une traduction française du titre original digne de ce nom, tant le film, en cherchant à bouffer à tous les râteliers, ne réussit jamais à s’émanciper d’un sujet qu’il n’explore jamais vraiment, ou à permettre aux actrices principales de creuser leurs personnages, lesquelles sont réduites à prendre la pose, comme dans un «extended cut» d’un clip de Meccano, devant la caméra qui se contente de déployer autour d’elles une esthétique bâtarde, entre la recherche d’un certain réalisme et la peur de perdre le spectateur dans un univers trop marqué culturellement. Milk, Sex & The City, Bonnie Tyler, Le Tigre… Les références à la culture occidentale sont données en pâture à l’arrache, sans autre fonction de faire tapisserie, idem pour les insupportables figures de style de «ciné indé» ( les scènes de boîtes de nuit, atroces par leur vacuité) ou pour les scènes érotiques qui semblent toujours déconnectées, surgissant de façon répétée et aléatoire sans jamais répondre à une quelconque construction psychologique dont elles seraient l’aboutissement. Le film est surtout énervant en ce qu’il a l’air, à l’image de l’une des héroïnes à la fin, surtout de servir à la réalisatrice de «carte de visite» pour (futures) sélections en festival, de passeport/sésame vers des horizons aux opportunités plus riches, mais en se détournant constamment de l’ici et là, la réalisatrice ne réussi pas à faire entendre. On pourra toujours me rétorquer que le film ne s’ «adresse pas à [moi] de toute façon» ( mais à qui alors? Et surtout, pourquoi vouloir cantonner un film à un public restreint?), mais pour un film qui arrive plus de dix ans après Le Cercle/Dayereh de Jafar Panahi – film autrement plus puissant et dont la rugosité se faisait bien plus palpable et «sensible», même pour quelqu’un de totalement étranger à cet univers – ça fait un peu tâche, et le film sur la condition des lesbiennes/l’homosexualité en Iran/dans les pays arabes en général reste encore à faire. J’ai du mal à comprendre comment le «prix du public» reçu à Sundance a pu lui être décerné, tant cet exercice de style est dénué des qualités d’écriture qu’on pouvait trouver, par exemple, à Une Séparation, qui réussissait avec bien plus d’habileté et d’ingéniosité à raconter l’intime à travers la société, et inversement.

Les lauréats des Teddy Awards  étant tombés, reste à espérer que la moisson sera meilleure là-bas, le lauréat de la meilleure fiction, Keep The Lights On, ayant aussi été repêché de Sundance, et en rendant hommage dans son titre à l’immense chanteur-compositeur Arthur Russell, qui a notamment collaboré avec Allen Ginsberg avant de mourir du sida en 1992, j’ai envie d’y croire… Avant de voir qu’au palmarès figure aussi, Jaurès, un film de Vincent Dieutre, escroc passé maître dans l’art de flatter les égos de sélectionneurs de tous poils en flattant on ne sait comment leurs cordes sensibles – pour qui aurait déjà vu un seul de ses films, vous non plus ne comprendriez pas le pourquoi du comment.

I’VE HAD A LOT OT PROBLEMS, KID. BEING GAY ISN’T ONE OF THEM

Du coup, pour ne pas verser totalement dans la morosité, il me reste ces fameuses annonces dont il m’est impossible de juger autrement qu’à la tête du client. Cette semaine, c’est surtout du côté du petit écran. ABC vient ainsi de commander un nouveau pilote avec Portia de Rossi en tête d’affiche, The Smart One, sur une «executive woman» brillante (de Rossi) contrainte de travailler pour sa soeur, ex-reine de beauté et ex-miss météo, plus populaire mais pas forcément plus intelligente (Malin Akerman), et pourtant devenue maire d’une grande ville. Kim Catt… Euh Jean Smart (mais j’ai toujours du mal à croire qu’il s’agit de deux personnes distinctes) incarnera leur mère. Cerise sur le gâteau, le créateur n’est autre que Michael Fresco, collaborateur sur le formidable (et trop vite supprimé) Better Off Ted. Quand on a vu ce qu’a donné précédemment l’équation «de Rossi + Fresco (Victor)+ ABC + sitcom », je ne peut être qu’être, par l’odeur de ce projet, alléché – et prie tous les saints que pour cette fois-ci, le succès soit à leur rencontre – ainsi que la qualité. Parmi les producteurs exécutifs, on trouve Ellen (de Generes, pardi).

Côté câble, Kate Moennig vient d’intégrer le casting de Ray Donovan, nouvelle série de Showtime par la créatrice de Southland, Ann Biderman, avec Liev Schreiber dans le rôle principal, également rejoint par Jon Voight, Elliott Gould, Eddie Marsan, Dash Mihok, le rappeur The Game et Paula Malcomson (genre le casting déjà balèze à la base). La série se centrera sur un médiateur de conflits qui fait la pluie et le beau temps pour le gratin d’Hollywood, et «Shane» incarnera son bras droit. J’ai bien dit Shane, oui, car apparemment, pour son introduction de son personnage, celui de Liev Schreiber lui téléphone et elle demande à la jeune femme présente dans son lit de « s’habiller car elle doit partir». That’s so Shane indeed.

LES DESARROIS DE L’ELEVE COOPER

Ann Biderman satisfait ainsi tous les bords car pour l’épisode de Southland diffusé le soir de la Saint-Valentin, la série a (enfin) officiellement, après des années de suggestion, sous-entendus et autres perches tendues, permis à l’officier John Cooper (Michael Cudlitz) de déclarer en but en blanc, avec panache et discrétion à la fois, son homosexualité. Cet épisode, dans lequel le policier cherche à venir en aide à un jeune adolescent harcelé par ses camarades de classe en raison de son homosexualité, fait vraisemblablement, sans la nommer, référence à la vague de suicides d’ados gays outre-Atlantique, et plutôt que de faire dans le bon sentiment, interroge de façon assez neutre et amère la réalité de terrain de l’efficience du slogan « it does get better » quand la responsabilité entière de la société – et non d’un seul être – n’est pas engagée.

Gisèle Vienne et Dennis Cooper

Un autre Cooper à l’honneur, et non des moindres, soit le romancier Dennis Cooper, est invité cette année par le Centre Pompidou, aux côtés de l’artiste franco-autrichienne Gisèle Vienne, en tant que commissaire de la troisième édition du Nouveau Festival, qui aura lieu du 22 février au 12 mars 2012 au Centre Pompidou, qui accueillera pendant trois semaines la manifestation «Teenage Hallucination», et présentera quelques-uns de leurs travaux en commun. Là aussi, mais sur un mode diamétralement opposé, est questionné «l’âge adolescent, ses troubles, les figures établies de l’ordre et du désordre, le crime, la mort». Ainsi, on pourra y voir plusieurs représentations de leur spectacle de marionnettes, Jerk (mis en scène par elle autour d’un texte par lui, et que l’on pourra aussi voir fin mars à Bergerac à la Gare Mondiale), une installation sonore autour de cette pièce, ainsi que, pour la première fois en France, Them, spectacle de danse conçue il y a vingt-cinq ans inspiré les ravages de l’épidémie du Sida. Parmi leurs invités, les musiciens Christian Fennesz, Stephen O’Malley (de Sunn (((o ), les artistes Jean-Luc Verna, Brice Dellsperger, le cinéaste Guy Maddin ou encore le «type immonde», l’ordure notoire qu’est Peter Sotos (ex-membre du groupe industriel Whitehouse). Plus de détails sur le site du Centre Pompidou.

Je ne vois pas d’autre façon que de conclure en vous invitant à assister à ces manifestations et de venir en reparler ici, en faisant de Yagg notre feu de camp où l’on pourra se faire peur, partager les expériences les plus troublantes, les histoires des plus glaçantes. Enfin, du moins, j’espère que, pour le coup, cela s’avère aussi bien que sur le papier.