Abricot ou courge ?

Publié le 05 mars 2012 par Sayane @hardsciences

Quelle magnifique métaphore que voilà !!! Y a-t-il de meilleures façons de commencer une nouvelle semaine que de se poser cette question : Vous êtes plutôt courge ou abricot ? Pas que je me soucie de savoir quelles sont vos préférences culinaires, ou si le jardinage est votre passe-temps préféré. Ne faites pas les timides, vous commencez à me connaitre, vous savez où je vais en venir…sauf que je n’ai pas envie de parler de vos préférences sexuelles aujourd’hui, mais plutôt de la perception que vous avez de votre propre sexe.

Comment savez-vous si vous êtes une femme ou un homme ? La question parait simplissime au premier abord. Prenez juste 1 minute pour y penser. Qu’est-ce qui distingue un homme d’une femme ? Les réponses les plus immédiates qui vous viendront à l’esprit seront surement les suivantes : j’ai un vagin/un pénis ; des caractères sexuels secondaires propres aux hommes/aux femmes (tels que la barbe, des seins, une taille marquée, une voix muée, etc…) ; des chromosomes sexuels XX ou XY (codant respectivement pour des phénotypes femelle et mâle) ; des escarpins plein la penderie et/ou des tee-shirts du PSG qui en disent long…Le problème avec toutes ces réponses, c’est qu’en incluant certains individus dans un des deux groupes, elles posent également des limites à ce qui n’est pas inclus dans le groupe. Autrement dit, aux gens qui n’appartiennent ni vraiment à l’idée qu’on se fait du sexe féminin ou du sexe masculin : les hermaphrodites. L’hermaphrodisme, pour faire simple, c’est quand t’as l’abricot ET la courge. Ou une moitié d’abricot, et une moitié de courge. Ou l’aspect d’un abricot mais avec une courge planquée dessous. Ou…bref, tout les mixages possibles et imaginables entre un abricot et une courge.

L’histoire de la médecine, de la biologie, de l’oncologie (étude du développement embryonnaire) et des théories de l’évolution se rencontre en un point précis sur la discussion de la détermination des sexes. Il semble en effet que celle-ci ait fluctué. Plusieurs courant de pensées se sont succédés voire croisés depuis la Grèce antique. Et cette discussion sur la détermination du sexe biologique n’aurait jamais eu lieu sans les études répétées de cas d’hermaphrodisme au cours de l’histoire. En effet, en sortant de la norme, ceux-ci ont en quelques sortes obligés les scientifiques à déterminer ce qui était dans la norme, et donc à discuter les règles d’appartenance aux 2 groupes.

Si je vous parle aujourd’hui de courges et d’abricot, c’est parce que je suis en pleine lecture d’un livre appelé Hermaphrodites and the medical invention of Sex. L’auteure, Alice Domurat Dreger, m’a complètement convaincue du fait que d’un point de vue totalement biologique, chaque être humain est placé sur une sorte de continuum sexuel variant entre masculinité parfaite et féminité parfaite. Un peu comme lorsque que j’expliquais sur Sexpress que toutes les femmes ont des anatomies très variées les unes des autres. Pour preuve, regardez cet interview d’Hazel Jones sur ITV (en anglais), 27 ans, qui s’est rendue compte qu’elle avait 2 vagins.

La biologie n’est pas binaire. L’environnement (au sens large) peut influer le développement d’une personne. De la même sorte, l’anatomie n’est pas non plus binaire, et si vous voulez mon avis : on est tous des mélanges abricots/courges, et le monde se porterait mieux si on s’en rendait compte !

références :  Hermaphrodites and the medical invention of sex de Alice Domurat Dreger, publié en 2000, Harvard University Press

photo: Hermaphrodite, fils d’Aphrodite et Hermès, statue de Pergamum, de Sandstein