Une amie me confie tout récemment :
Mon fils, 7 ans, m'a dit : « Maman, je crois que je suis pédésexuel. »
Il a avoué à sa mère être amoureux de son meilleur ami. Et s'en est ouvert à toute la classe. Qui n'a pas manqué se moquer de lui.
Devant la perplexité de la maman, j'ai convoqué Dr. Fred, ami et néanmoins blogueur. Voici ses éléments de réponse :
1. Pas de panique. Appelez la caserne de pompiers la plus proche.
À sept ans, on affirme beaucoup de choses sans bien entendu savoir la plupart du temps ce qu’elles signifient. Ou la portée que certains propos peuvent avoir dans notre société si codifiée, particulièrement à l’école, univers impitoyable s’il en est.Mais un petit bout d’homme, tout en candeur, qui se demande ouvertement s’il n’est pas “pédésexuel”, c’est avant tout un petit garçon épanoui. Dans le sens où son éducation — la vôtre, donc — lui permet de ne pas se sentir honteux et de vous faire partager ouvertement ses questionnements (et on sait tous à quel point les questionnements foisonnent à cet âge-là). C’est en soi une bonne nouvelle : vous n’avez pas tout raté.
2. Restez zen. Commencez à collectionner les Dieux du stade.
Vous devez très vite décider entre vous, maman et papa, quelle attitude adopter. Cela dépend évidemment de votre rapport à l’homosexualité. Mais au-delà de votre propre expérience, si nombre de parents aujourd’hui se montrent la plupart du temps ouverts sur cette question dans leur vie amicale d’adultes, leur réaction peut se révéler tout autre lorsqu’il s’agit de leur propre chair.C’est humain. On préfère toujours la “norme” pour les siens. Parce que la “norme”, c’est moins difficile à gérer et c’est (a priori) tout simplement plus rassurant. Soit. Mais si l’enfant est réellement “différent” ? Il n’existe dans ce cas qu’un seul traitement. Se rappeler que tous les enfants sont par nature différents les uns des autres et que, quoi qu’il arrive, on les met au monde pour les aimer sans condition : tels qu’ils sont et non tels qu’ont voudrait qu’ils soient.
3. Soyez pédagogues. Téléchargez l’anthologie de Madonna.
Remettez très calmement, très gentiment, sur un ton très posé mais solennel, les choses à leur place. Commencez la leçon par un petit cours de vocabulaire. Il est très important de mettre les mots sur les sentiments, les émotions, les ressentis.La famille des générations précédentes, sauf à quelques exceptions près, ne favorisait pas la communication. Aujourd’hui, la parole est plus libre et c’est très bien comme ça. Toutefois, il faut garder à l’esprit que la véritable liberté implique maîtrise de soi et conscience de ses actes. Et donc de ses paroles. Il faut ainsi faire très clairement comprendre à bout de chou que les mots ont un sens et qu’il vaut toujours mieux bien réfléchir avant de parler (tourner sept fois sa langue dans sa bouche est et restera, ad vitam æternam, la devise que nous devrions tous nous faire tatouer à l’encre indélébile sur le front).
4. Prévoyez tout. Réservez dès maintenant chez Madame Arthur.
Bout de chou doit déjà sûrement savoir qu’il y a certains mots, comme les gros mots, dont vous ne voulez pas qu’il se serve. Pourquoi ? Parce qu’il est trop jeune pour cela. Quand il sera adulte, il pourra comme maman et papa, conduire une voiture, boire un peu de vin à table, aller travailler et parfois, mais seulement parfois, dans certaines circonstances très précises, dire des mots d’adulte.Pour le moment, bout de chou est un petit garçon qui ne connaît pas le sens de tous les mots. De certains mots, sans aucun doute, mais pas de tous, loin de là. Sait-il par exemple que le français compte presque deux cents mille mots et qu’en moyenne, les adultes (ce qu’il n’est pas encore) n’en utilisent que six cents au quotidien ?C’est pourquoi, il faut éviter de répéter les mots qu’on entend tant qu’on ne connaît pas leur signification exacte. Pourquoi ? Parce que, dans le cas contraire, on pourrait sans le vouloir prononcer de très grosses bêtises et passer peut-être pour la personne qu’on n’est pas. Ensuite, même lorsqu’on a appris leur signification, on doit s’abstenir de prononcer certains mots pour rester un petit garçon poli.
5. Affrontez chaque difficulté. Convoquez Saint-Sébastien.
Et puisqu’on y est, est-ce que bout de chou saurait nous expliquer ce qu’il veut dire exactement par “pédésexuel” ? Sait-il au juste ce qu’est un “pédé” ? Et sait-il ce que signifie “sexuel” ? — À ce stade, bout de chou doit logiquement piquer le fard du siècle, commencer à sérieusement bafouiller, se tortiller et ne plus quoi savoir répondre. Courage, vous y êtes presque.Car il y a quatre-vingt dix-huit pourcent de chance pour que les réponses de bout de chou, s’il en a, soient complètement à côté de la plaque. Et vous aurez confirmation qu’il n’a fait que répéter sans comprendre ce qu’il a entendu dans la bouche de gamins plus âgés. Profitez-en pour mener discrètement l’enquête et essayer de déterminer de qui provient l’ineptie. Toujours sans le gronder, ça ne servirait à rien. De toute façon, dans la mesure où êtes en train de lui démontrer qu’il ne sait pas vraiment de quoi il parle, vous ne devriez avoir aucun mal à obtenir l’information : à vous ensuite de vous en servir pour mieux protéger votre tête blonde de cette influence.
6. Répondez sans détour. Commandez le catalogue AussieBum.
Veillez autant que possible à satisfaire la curiosité de bout de chou. Dans ce domaine, celui de la sexualité, dites-vous bien que plus vos rejetons seront avertis, mieux ils se porteront : si vous ne faites pas leur éducation sexuelle, ils la feront par eux-mêmes avec tous les risques que cela comporte. Apprenez-lui avec des mots simples ce que signifient ces deux termes, qui sont par ailleurs mal associés, puisque cette expression n’existe pas, et qui sont dans tous les cas des mots réservés aux adultes — c’est-à-dire, que lui, bout de chou, ne doit pas les utiliser pour l’instant.“Pédé” est un gros mot, un terme vulgaire, malpoli, qui désigne les garçons qui aiment les garçons. On ne doit pas l’employer quand on a sept ans. Et si, par hasard, on voulait quand même désigner des garçons ou des filles qui s’aiment entre eux, alors à ce moment-là, on dira que ce sont des homos.Et “sexuel” alors, ne manquera pas de demander bout de chou, qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien (et là, je sais, oui je sais, vous commencez à vous faire l’effet d’un funambule qui se balance au-dessus d’un gouffre de quinze kilomètres de profondeur), sexuel, c’est tout ce qui a rapport avec le sexe.Le sexe, tu le sais déjà, c’est d’abord ce qui permet de faire pipi. C’est ton zizi. Mais plus tard, quand tu seras grand, c’est aussi ce qui te permettra à ton tour de faire des enfants (là, normalement, le môme vire au cramoisi).Et si enfin, bout de chou vous (re)pose la question fatidique : “dis, maman/papa, comment fait-on des enfants ?”, vous avez gagné. Vous n’oublierez évidemment pas d’aborder la question de l’amour qui, dans l’esprit de l’enfant, doit être indissociable de l’acte, ce qui devrait vous permettre de retomber sur vos pieds si d’aventure bout de chou insistait en demandant si les garçons entre eux peuvent aussi faire des enfants : les adultes (comme les garçons adultes ou les filles adultes — insistez sur cette clé essentielle : la notion d’adulte) ne font pas l’amour seulement pour faire des enfants, mais aussi pour se prouver à chacun qu’ils s’aiment très fort. Mais, et il y a un mais : seuls les adultes peuvent faire l’amour, pas les enfants. Compris ? Et maintenant, au dodo.