Nul n’est prophète en son pays. Il y a 5 ans, lors de la dernière élection présidentielle puis du congrès de Reims du PS, plusieurs responsables socialistes, comme Ségolène Royal ou Julien Dray, avaient théorisé puis tenté de mettre en place une nouvelle alliance politique post-gauche plurielle : la coalition arc-en-ciel, regroupement de toutes les forces progressistes, des altermondialistes au centre et « aux humanistes », autour d’un grand parti socialiste rénové, et adossé au monde syndical et associatif. Ségolène Royal avait même ensuite, durant les primaires citoyennes de 2011, étendu ce programme d’alliance aux gaullistes, sous le nom « d’arc républicain ».
Ce beau projet était-il trop ambitieux ou en avance sur son temps ? Nourri par la naissance d’un MoDem souvent en opposition avec Nicolas Sarkozy, prolongé par des initiatives politiques comme le « Rassemblement social, écologique et démocrate » mis en place par les soutiens de Ségolène Royal, il ne parvint cependant jamais à s’imposer. La faute aux querelles internes du Parti socialiste à l’époque du Congrès de Rennes, la faute à la recomposition de la gauche avec la naissance du Front de Gauche, et surtout aux changements de pied permanents d’un François Bayrou tanguant à nouveau à droite après une première phase de rapprochement avec la gauche.
Du moins en était-il ainsi jusqu’à la présente campagne présidentielle. Car depuis quelques semaines, silencieusement, bout par bout, sans que personne ne le conceptualise vraiment, la coalition arc-en-ciel prend finalement forme, et son artisan (involontaire) n’est autre que … Nicolas Sarkozy.
Les centristes ? Outre les appels qui se multiplient de la part de cadres du MoDem à voter Hollande au second tour, on lira avec intérêt ce mail envoyé mercredi aux militants bayrouristes, et les incitant à relayer largement les critiques de leur ex-candidat contre Nicolas Sarkozy :
La gauche ? Les écologistes et le Front de gauche ont dès le soir du premier tour appelé sans réserve à voter François Hollande pour battre Nicolas Sarkozy. Robert Hue, ancien dirigeant du Parti Communiste, a quant à lui rallié depuis plusieurs mois la candidature PS.
Les gaullistes ? Progressivement, les anciens soutiens de Jacques Chirac et Dominique de Villepin glissent dans le camp Hollande : Brigitte Girardin, Azouz Begag, Dominique Versini, Corine Lepage … Sans même parler de la mise en mouvement de la famille Chirac, ex-première dame mise à part, en faveur du candidat socialiste.
Je ne suis pas socialiste, j’ai voté Hollande aux Primaires. Je voterai Utile-Hollande dimanche, le seul capable de battre Sarkozy le 6 mai.
— Azouz Begag (@AzouzBegag) Avril 17, 2012
Sans parler, non plus, des soutiens d’associations humanistes ou de syndicats qui se succèdent jour après jour, des mouvements LGBT à la CGT en passant par la LDH.
Touche par touche, un tableau d’ensemble finit par se dessiner : celui d’une alliance « humaniste » ou « progressiste », un front républicain du refus, qui a été rendu possible par un seul homme – Nicolas Sarkozy – et sa fuite à droite désespérée, du halal aux œillades de plus en plus insistantes au Front National. Qui a dit que son bilan était intégralement négatif ? Il pourra au moins mettre à son actif d’avoir réalisé une partie du projet politique de sa rivale malheureuse de 2007.
Romain Pigenel