Fiche technique :
Avec Maurice
Cora Arama, Emilie Cordelier, Gérard Courant, Olivier Drouaut, Christophe
Frèrejacques, Karine Frèrejacques, Marteen Hamstra, Jean-No, Maurice Julien, Françoise Lange, Jacques Lange, Rémi Lange, Thérèse Lange, Antoine Parlebas, Edmée Longhi, Guillemette Martin, Louis
Maurice et Joseph Morder. Réalisation : Rémi Lange. Scénario Rémi Lange. Musique : Servanne Guittier.
Durée : 80 mn. Disponible en VF.
Résumé :
Un jour, Rémi, un jeune homme fatigué d'écrire et de réécrire un
scénario, commence un journal filmé. Avec une vieille caméra Super-8, il enregistre ses parents, ses proches, un ami séropositif... Peut-être parce qu'il ne se passe rien d'extraordinaire, il
décide d'annoncer successivement à chacun des membres de sa famille son secret, caméra au poing : l'existence d'Antoine, le garçon qui partage sa vie depuis déjà quelques années, le
« squelette de son placard ». Mais attention, un squelette extrait de son placard peut en cacher un autre !
L’avis d’Olivier Nicklaus :
En filmant en Super 8 son journal intime, Rémi Lange constate qu'on ne fait pas d'Omelette sans casser d'œufs.
L'œil sensible notera un léger tremblement du cadre au moment où Rémi Lange filme sa mère à bout de bras. Un
tremblement qui témoigne de la douleur qui revient en boomerang dans Omelette. Le jeune homme a entamé un journal intime en Super 8 à l'instar d'un de ses maîtres, Joseph Morder. Mais il
trouve qu'« il ne se passe rien ». Il décide alors de provoquer les événements en intégrant au récit un vieux projet : révéler à chacun des membres de sa famille qu'il préfère
les garçons, en prenant comme cheval de Troie la relation avec son ami Antoine.
Le courage nécessaire à l'aveu se mêle donc à la lâcheté voire la cruauté de la présence de la caméra.
Inconsciemment ou pas, il sait que l'enregistrement, donc un public éventuel, devrait engager ses interlocuteurs à bien réagir. C'est, croit-on, ce qui se passe lorsque sa mère, au lieu
de s'effondrer en larmes, lui pose des questions apparemment pleines de bon sens : « Tu crois que ça va durer toute ta vie ? », « Tu n'aimerais pas avoir des enfants
? »... Et puis, elle finit par balancer qu'elle soupçonne le père de Rémi d'être lui-même homosexuel. C'est là que le tremblement de la caméra est particulièrement perceptible. Rémi
Lange doit encaisser à son tour une révélation imprévue. Le pétard a enfanté une bombe. Et la déflagration enrichit la dramaturgie du film : tous vont se repasser la vérité, si douloureuse, comme
un mistigri.
Lange est donc pris au piège qu'il a lui-même tendu. Il avait voulu se servir de sa vie pour nourrir son art, comme par exemple Sophie Calle dans No sex last night. Mais la vie ne se
laisse pas endiguer aussi facilement, elle met l'artiste à l'épreuve. Désormais, la seule façon de s'en sortir pour Rémi Lange, c'est le cinéma. Avec un risque majeur : tourner un reality-show à
la TF1. Lange le contourne en transgressant les codes du journal filmé, en construisant Omelette comme un film narratif classique, vérifiant le mot de
Jean Genet (en substance) :
« Pour dire des choses si singulières, je ne pouvais utiliser qu'un langage connu par mes tortionnaires. » Le film contient même un vrai suspens. Le Super 8 à l'image sale
conditionne aussi le fond puisque, en Super 8, chaque bobine ne dure que trois minutes, ce qui provoque concision et urgence. Le tournage s'apparente alors à un acte chirurgical, chronométré, où
le bistouri est remplacé par la vérité. Là où l'art corporel de Gina Pane dans les années 70 ouvrait avec des lames de rasoir le corps aliéné par les tabous de la société, le dispositif de Rémi
Lange ne libère pas de sang mais des flux de conscience. Certes, ce Jeu de la vérité est particulièrement dangereux, surtout devant une caméra (Chantal Goya s'en souvient). D'où le
malaise qui gagne à la vision du film. Mais d'où aussi le prix de ce plaidoyer pour la vérité, pour sa proclamation malgré les tabous et les scléroses.
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