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Stephen des aulnois : « avec le tag parfait, les filles assument de mater du porno »

Publié le 07 février 2013 par Blended @blendedph

Il est à la tête d’un site générationnel. Le 31 août 1985, le premier film porno est diffusé à la télé. Quinze ans plus tard, le X est disponible dans le salon, sur l’ordinateur familial. À toute heure du jour et de la nuit. Toute une génération née dans les 80′s pour qui le sexe reste le sexe, mais pour qui le porno est entré dans le quotidien. Avec ses codes et ses références propres. Bref, avec une vraie culture.
Alors certes, PornHub, YouPorn, Xvideos et Redtube dépassent tous les 5 millions de visiteurs… par jour. Mais où est la culture dans tout ça ? Qui sait parler aussi aux femmes qui aiment le sexe ?
Et bien lui, Stephen des Aulnois, le fondateurs du Tag Parfait. Il n’a pas de moustache, pas de catogan et n’a jamais fait l’amour devant une caméra (ou en tout cas, n’a jamais diffusé le film après coup). Et c’est peut-être pour toutes ces raisons que le jeune homme timide de 29 ans est celui qui en parle le mieux.

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Comment entre-t-on dans le porno ? Il y a une fac pour ça ?
À la base, je suis ingénieur du son. Ma vraie passion, c’est la musique. Je pratique d’ailleurs toujours. Mais je n’ai pas de tabou par rapport au sexe. J’ai toujours aimé les trucs subversifs. Même si pour moi, le sexe n’est pas subversif justement. Le porno est donc venu naturellement. J’ai juste trouvé ça cool d’en parler. C’était un terrain vierge.

Et comment ton entourage l’a pris ?
Mes amis ont trouvé ça cool. Forcément. Mes parents, j’ai attendu quelques mois, que ça marche vraiment. Mais par contre, je n’ai pas donné l’adresse du site à mon père. Pas que j’avais honte du site, mais il y avait des textes personnels dedans, des trucs intimes. Je ne voulais pas qu’il les voit. Bon, bien sûr, un jour, je lui ai parlé de twitter et il a vu mon compte et trouvé mon site. Et il a bien aimé.
Mais ça reste en famille, mon beau-frère est le développeur du site.
Par contre, pour la famille plus éloignée, je suis journaliste. Je ne veux pas être étiqueté et que le téléphone arabe me transforme en acteur porno.

Oui, parce qu’au final, c’est pas vraiment un site sur lequel on va pour se masturber.
Si quand même un peu, il y a des vidéos aussi. Elles représentent quelque chose comme 5% du contenu, mais par contre c’est 25% du trafic. D’ailleurs perso, je ne regarde pas de porno au bureau pour ne pas m’en dégoûter. Je ne suis pas vraiment dans ce truc pornographique, ce qui m’intéresse c’est la culture qui existe autour. On se développe comme un Pure Player, finalement on est plus dans internet que dans le porno.

© Louis Canadas 

Quel est le fonctionnement de la boîte ?
Il y a moi, je suis la locomotive. En ce moment, dans les bureaux, j’ai mon pote Guillaume, mon bras droit. On a aussi une stagiaire. Le reste, ce sont mes rédacteurs et des contributeurs. Mais tout le monde est bénévole. C’est le soucis. À côté je suis journaliste pour Yahoo et je mixe au Carmen et au Sans Souci.
On essaie de trouver des annonceurs, mais on est trop mainstream pour le porno, et trop porno pour le mainstream.
En fait, on est unique au monde ou presque. Donc, c’est compliqué pour les marques de comprendre l’image qu’on renvoie. Et puis, historiquement, la pub ne fricote jamais avec le porno directement.

Combien avez-vous de lecteurs ?
100.000 visiteurs uniques par mois, donc à peu près 180.000 visites mensuelles. Ce qui est bien, c’est qu’environ un tiers du lectorat est féminin. Avec le Tag, les filles assument de mater du porno. Sans les filles, je ne le ferai même pas. Si c’est pour n’avoir que des gros lourds. On fait très attention d’ailleurs. Parce que si une fille met un commentaire sur notre page Facebook et qu’elle reçoit en retour des mots désobligeants, pour nous c’est inadmissible.
Pour le reste, on se fiche du genre ou de l’orientation sexuelle, nous on parle de fantasmes. On est seul à faire ça aujourd’hui.
Mon but, c’est juste d’écrire pour des gens comme moi, 18-35 ans, qui aiment le sexe mais qui aiment avoir des choses à lire, à la fois drôles et intelligentes. Moi, je suis fier de mon site. Il n’est pas trop léger, pas trop racoleur. Quand je me lève, je n’ai pas honte d’aller travailler.

Est-ce que ton aura a changé auprès de tes amis depuis que tu tiens le site ??
On ne peut pas parler d’aura, mais certaines attitudes ont changé, c’est certain. Les gens viennent me voir maintenant. Vincent Glad, à l’époque de Superette et de MySpace, disait que finalement on avait monté des blogs pour pécho au lieu de monter un groupe de rock.
Je suis assez timide, donc ça m’aide beaucoup pour être abordé ou pour aborder. En plus, on a une vraie communauté qui nous suit.

Le Tag Parfait ne parle pas réellement de porno, mais de culture porno. Il serait peut-être bon de rappeler la différence.
C’est la culture liée au porno sur internet. Tout le monde regarde du porno, il y a un langage propre au porno. On essaie de mettre des mots sur ce langage.

Quand on commence à regarder, on réalise que cette culture porno est partout désormais.
Ben oui. C’est pour ça, nous, ça nous est venu naturellement. J’avais cette idée et je me suis dit qu’il fallait le faire. Je l’ai fait parce que je me suis levé un matin et je me suis dit : allez faisons ça. Après le terme « culture porno » nous est venu naturellement, un soir. Mais finalement, ça tombe sous le sens. Et le terme a défini toute notre ligne éditoriale.

En fait, tu avais un an et demi, à peine, quand le premier porno a été diffusé à la télé. Tu fais partie de la génération porno selon toi ?
Oui, mais plus par rapport au web. Avant, c’est vrai, il y avait les magazines, les VHS ou Canal+, mais c’était le Graal.
Mes parents ont eu internet très tôt, j’avais 13 ou 14 ans. Dès que mon père a eu le dos tourné, j’ai tapé « sexe » ou « porno », et là…

Que penses-tu des gens qui ont peur d’une normalisation du sexe à cause d’internet ? Ou d’une pornification de la sexualité des jeunes ?
Je ne sais pas, ça me parait plus simple que ça. On parle de sexe, donc c’est quand même très positif. Après, s’il y a des productions pourries, ou qui traitent mal les filles… ben, on est pas obligé de regarder.
Sinon, c’est juste une question morale, et le porno reste un support masturbatoire avant tout. Est-ce que la masturbation est négative ? Je ne pense pas.

Quels sont tes projets ?
Gagner plus d’argent, partir en vacances, trouver une femme, avoir des enfants, acheter une 806, un pavillon dans le Val de Marne et prendre le RER tous les jours pour aller bosser à la Défense.
Non, sérieusement, il me faudrait quand même un vrai salaire. Et j’aimerai développer des productions internes.
J’ai aussi un gros fantasme : développer un site organique. Un truc hédoniste, avec tout, de la nourriture, de l’art, de la technologie. Quelque chose qui parle aux 5 sens.

Quand on voit le site, la production interne paraît une évidence. Il n’existe pas de films qui suivraient votre ligne éditoriale.
Le problème c’est de trouver des acteurs et actrices en France qui nous ressemblent. Si c’est pour employer des filles siliconées ou des mecs de 40 ans…
Mais, de toute façon, je n’ai aucune envie de devenir un producteur porno, c’est un milieu de requins.
Le marché français est trop restreint. Les prod et les actrices sont à Budapest pour envoyer à l’international. 2013 marquera la mort du porno français. Il restera Dorcel, parce que c’est un grand nom, et 2 ou 3 trucs crados.
Tant mieux, ça veut dire qu’on va pouvoir repartir à zéro. Et alors là, si on peut se placer…


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