Magazine Culture

"Fifty Shades Of Grey" de E L James

Publié le 06 mars 2013 par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins

Sonnez flutes et hautbois, arrêtez presses et rotatives, allez au temple radieux déposer vos hommages : voici la critique que le monde attendait, haletant, muet d’impatience. Je vous offre Fifty Shades of Grey,  la « romance érotique » qui traversera le temps et  l’espace et deviendra sans doute, après la catastrophe nucléaire qui fera tomber la civilisation, la base d’une puissante tradition orale pleine de dieux et de légendes.
Sans plus attendre : voici Anastasia Steele (yesss), vingt et un ans, termine ses études d’anglais près de la sexy, sexy ville de Seattle. Anastasia Steeeele a ouvert trois livres dans sa jeune existence (Tess D’Uberville, Jane Eyre, Orgueil et Préjugés), de manière si sexy qu’elle ne les a visiblement pas lus ou pas compris et passe son temps à les citer d’une façon absurde et inappropriée.
Anastasia Steeeele a un deuxième trait de personnalité en tout et pour tout : elle est maladroite. Comprenez à peu près un ou deux incidents grands guignolesques, et douze mille allusions additionnelles à ladite maladresse. C’est tellement sexy. Oh et bien sûr, Anastasia Steeeele est vierge. Elle est tellement vierge qu’elle n’a même jamais pensé à toucher quelqu’un d’autre, elle-même, une plante verte. Elle est super vierge. 
Mais elle rencontre l’ondulant, l’enivrant, le croustillant Christian Grey, homme d’affaire riche comme Picsou. Elle l’interviewe sexily pour le sexy magazine de sa sexy fac. Il a des abdominaux frissonnants, est plein de fric et totalement sous le charme d’Anastasia Steeeele.
Intrigue pliée ? NOPE car Christian Grey est un ange sombre : non seulement il est adepte des pratiques BDSM (Bondage, Discipline, Sado-Maso, ne me demandez pas la différence exacte entre toutes ces dénominations) mais surtout, il est sexily émotionnellement indisponible. D’où pleurs, tempêtes, outrages.
Entrecoupées de fumantes pages de sexy, sexy sexe.
Je devrais être décorée par la République pour avoir terminé ce truc.
Après quelques recherches sur les Internets, la rumeur populaire affirme que Fifty Shades présenterait une choquante ressemblance avec une longue fanfiction (si vous ne savez pas ce que c'est, Wikipedia, darlings) du magnum opus de Stephenie Meyer, Twilight.
Celle-ci existe toujours sur le Net, mais je vous laisse chercher tous seuls.
Notre présent ouvrage serait donc cette fanfiction remixée, avec Christian Grey dans le rôle de Team Edward, et Anastasia Steele dans celui de Bella Swan.
Cette fanfiction étant elle-même une sexy réécriture de Twilight.
Une seconde pour vous réinstaller dans vos fauteuils : Fifty Shades est un hommage de deuxième niveau à ce monument littéraire quasiment mythologique, à la manière de l’épopée de Gilgamesh ou des rubaiyat d’Omar Khayyam, qu’est Twilight. Une réécriture d’une réécriture…de Twilight.
J’ai lu Twilight, version originale, tome 1. Parce que je suis le Vasco de Gama de la pop culture contemporaine, voilà tout. Et laissez-moi vous dire une chose : Twilight est d’une facture incroyablement supérieure à celle de Fifty Shades of Grey. Pour vos donner un genre d'échelle.
Les similitudes de « caractérisation », d’ « intrigue » sont assez frappantes (Je mets des guillemets car je me sens mal à employer ces mots dans ce contexte). Il y a même un Team Jacob dans Fifty Shades, un beau brun non loup-garou, qui parle espagnol comme un épisode de "Dora l’Exploratrice" (« Dios Mios ! »). Team Edward Grey passe, comme dans l’original, ses moments d’insomnie à jouer lugubrement du piano au clair de lune, pectoraux au vent.
Et comme dans l’original, la relation entre Team Edward Grey et Bella Steele est étouffante, toxique, et pleine de menaces. Team Edward Grey : « Bella Steele, je suis un homme dangereux, ne t’approche pas de mon âme noire, je vais probablement te tuer » « Bella Steele, je t’interdis de voir tes amis et ta famille et me permettrai de te suivre partout pour une surveillance rapprochée à laquelle tu ne m’as pas autorisé ».Et Bella Steele : « No pb, coz you are HOT LIKE FIRE ok thx bye ».
Au milieu de tout cela, le sexy sexy sex est à mon avis procédurier, invraisemblable, et aussi chaud les marrons qu’une fourchette rouillée plantée dans l’œil.
Il n’y a pas un seul aspect rédempteur dans Fifty Shades of Grey. Car figurez-vous que dans Twilight, j’ai pu trouver quelques pièces de dialogue enlevé à peu près drôle, et l’espèce d’affection bourrue que se vouent Bella et son père était à ma grande surprise décemment traitée. Fifty Shades ? Nope. Je l’ai lu la bouche tournée vers le bas comme une Emoticône, en grommelant des malédictions. Et pour être tout à fait sincère, l’écriture de la présente critique a été ma seule raison de passer la page 4 de cette créature. J’espère que vous êtes contents.
xoxo
Camille

Retour à La Une de Logo Paperblog