ELLE.fr. Qu’est-ce que la littérature dite « young adult » ?
Cécile Terouanne. C’est une littérature passerelle pour les jeunes de 14-15 ans. Elle leur permet de passer à des romans plus mûrs. Mais elle a également la particularité d’attirer les adultes sans limite d’âge. On a pu le voir avec « Twilight » qui plaît aussi bien aux jeunes filles qu’à leurs mères. Il ne s’agit pas d’un genre à proprement parler car on retrouve aussi bien de la fantasy que du thriller ou des récits de l’intime. Entre « Twilight » et « Hunger Games », par exemple, il y a un gap. L’un relève du paranormal, l’autre de la dystopie ( récit de science-fiction dépeignant une société totalitaire, ndlr).
ELLE.fr. Est-ce un phénomène nouveau ?
Cécile Terouanne. Non, ce type de romans existait déjà dans les années 80-90. A l’époque, il y avait « L’Herbe bleue », « Moi, Christiane.F », les livres publiés dans les collections Médium chez l’Ecole des loisirs ou Macadam Milan. Après, il y a eu beaucoup de textes miroirs et une littérature plus dure à l’image de « Junk » de Melvin Burgess. Mais c’est vraiment « Harry Potter » qui a explosé les limites d’âge et donné ses lettres de noblesse à la littérature jeunesse. Grâce à la saga de J.K Rowling, des passerelles qui se sont créées en librairie et la littérature jeunesse a conquis de nouveaux lecteurs plus mûrs.
ELLE.fr. En France pourtant, à la différence des États-Unis, il existe toujours ce clivage littérature adulte et littérature jeunesse…
Cécile Terouanne. Je suis scandalisée par la campagne de dénigrement envers « Twilight ». C’est comme si on traitait les 120 millions de lecteurs du roman d’idiots. Je me porte à faux contre ce snobisme à l’égard de la littérature populaire. Si on veut que les gens continuent à lire à une époque où tout passe par les écrans, il faut leur donner de la littérature qui leur donne du plaisir. Ces romans ont du succès parce qu’on est dans le divertissement. Et cela ne fait que commencer. Les éditeurs de littérature adulte surfent sur le filon. Ils savent qu’il y a un potentiel de croissance.
ELLE.fr. D'après une étude du site Babelio, les lecteurs de ces romans ont entre 18 et 34 ans. Pourquoi les adultes s’intéressent à ces histoires ?
Cécile Terouanne. Je pense qu’il y a une vraie légitimation de ce type de romans depuis le phénomène « Harry Potter ». Les adaptations au cinéma ont aussi permis de populariser cette littérature. En plus, certains livres comme « Sublimes Créatures » ont ensuite été publiés en formats poche dans des collections pour adultes. La blogosphère a également joué un vrai rôle de démocratisation. La littérature young adult est vraiment portée par le bouche-à-oreille. Lire des histoires d’adolescents, c’est aussi une façon de se replonger dans les émotions de la première fois, revenir à une innocence à laquelle on n’a plus accès.
ELLE.fr. Il y a quelque temps, les lecteurs ne juraient que par les livres de vampires. Quels sont les récits en vogue aujourd’hui ?
Cécile Terouanne. « Hunger Games » marque une nouvelle tendance après les romances paranormales. Que ce soit la trilogie « Delirium » de Lauren Oliver, « Promise » d’Ally Condie ou « Divergent » de Veronica Roth, chaque éditeur a son créneau dystopien. C’est le symbole de la littérature post 11 septembre. Pour faire face à un monde contemporain très sombre, les lecteurs aiment se réfugier dans ces récits d’anticipation ou de science-fiction. Quel sera le prochain best-seller ? Personne ne le sait. En tout cas, il est urgent de créer une nouvelle génération de lecteurs qui sont des petits-frères des lecteurs de « Harry Potter ». C’est un public qui se tournera plus tard, à son tour, vers la littérature cross-age.
ELLE.fr. Pourquoi le cinéma raffole de ces sagas ?
Cécile Terouanne. Pour le moment, il n’y a pas eu beaucoup d’adaptations. Mais celles de « Mortal Instruments », « Divergent », « Delirium » ou encore le nouveau volet d’ « Hunger Games » sont en préparation. Hollywood a un appétit pour les récits qui ont de la consistance. En plus, cela leur permet de se greffer sur des succès éditoriaux. Le lecteur va aller voir le film puis le conseiller, cela fait un effet boule de neige. Je pense que le cinéma est à la recherche d’une vraie écriture qu’il retrouve dans ces romans.
Source : Elle.fr