De plus, c’est un débat que j’ai regardé d’un œil extérieur.
Par manque de temps, mais aussi par souci de me protéger, professionnellement (dans l’Éducation nationale, nous avons un devoir de réserve assez imposant) et en tant qu’homosexuelle. Le débat a quand même été dur.
Un mariage de nécessité
Quoi qu’il en soit, mon mariage est enfin faisable. C’est une nécessité. Mère d’une petite fille de 5 ans que j’ai pu avoir grâce à une PMA en Belgique, cette petite n’a qu’un seul parent. Si ma compagne est socialement reconnue comme sa mère et qu’elle partage l’autorité parentale, elle ne représente rien sur le plan juridique.
Ce mariage, ce sera aussi un moyen pour ma compagne d’être protégée en cas de divorce ou d’accident grave. En devenant officiellement la mère de notre enfant, elle pourra prétendre à la garde autant que moi, même si elle n’en est pas la mère biologique. Ces démarches étaient déjà en partie réalisables (tutorat, testament...), mais le mariage va les simplifier considérablement.
Pas de précipitation
La tension qui a présidé à ce débat et le fait que les ténors de l’opposition n’aient pas un seul instant cessé de menacer d’abroger ce texte dès qu’ils reviendront au pouvoir pourraient amener les couples à se précipiter vers le mariage. Par goût du triomphe devant l’aboutissement de la loi Taubira, voire par vengeance après avoir subi des mois d’insultes et de violences, et aussi par peur de ce qu’on revienne par on ne sait quel moyen sur la loi.
Personnellement, je suis très heureuse de voir que la famille homoparentale, qui est une réalité depuis des décennies, soit devenue tangible sur le plan juridique. Mais je ne vais me marier ni par crainte, ni par vengeance. Je suis persuadée, contrairement à ce que certains craignent et que d’autres espèrent, que la loi Taubira restera.
Du coup, si je ne veux pas trop attendre, je ne vais pas non plus tout faire dans l’urgence : le mariage devrait avoir lieu à partir de septembre.
Une fête, oui, pas un concentré d'extravagances
Ce mariage, ce sera aussi une fête. En revanche, je nuance tout de suite. Au risque de décevoir ceux qui se nourrissent de l’image selon laquelle les mariages gays seront forcément fastes, somptueux et délurées, j’envisage une cérémonie plutôt sobre. Pas de grandes robes, de décorations outrancières…
Sans aller jusqu’à crier à l’homophobie latente, c’est quand même amusant de voir que, forcément, puisque c’est un mariage gay, il faudrait que ce soit le règne de l’extravagance ! Dommage pour les salons spécialisés et, plus généralement, pour ce marketing communautaire autour du mariage homosexuel ! Ce business me laisse parfaitement indifférente.
Le maire fera-t-il jouer sa clause de conscience ?
Si j’ai encore du mal à me plonger dans l’organisation, je suis encore intriguée. Par exemple, comment ça se passera quand nous serons à la mairie ? Le maire de la ville où nous habitons, en Île-de-France, est un UMP franchement ancré à droite. Je me demande si c’est lui qui nous mariera ou si ce sera un de ses adjoints.
Y aura-t-il des personnes qui refuseront d’assister à la cérémonie et à la fête ? Honnêtement, je n’espère pas, ça voudrait dire que je me serais singulièrement trompée dans le choix de mes proches. Verra-t-on, à mon mariage ou ailleurs, des anti s’entêter à répéter ces arguments qu’ils nous ont tenus et ont contribué à la pauvreté du débat ?
Jusque-là, je n’avais eu aucune difficulté à vivre mon homosexualité, mes amis et ma famille s’étant toujours montrés très compréhensifs à cet égard. Mais la violence de certains arguments et comportements, dans la rue comme au Parlement, m’a évidemment touchée.
Propos recueillis par Antoine Rondel Source