La décision intervient alors que le projet de loi était bloqué au Congrès depuis plusieurs années.
À deux mois de la visite du pape François à l'occasion de la Journée mondiale de la jeunesse, le Brésil vient de reconnaître le mariage homosexuel. Pourtant, contrairement à ce qui s'est passé en Argentine et en Uruguay, le projet de loi n'a toujours pas été voté au Congrès, où il est bloqué depuis des années par l'opposition des députés évangéliques et catholiques. C'est le Conseil national de justice (CNJ) qui a annoncé que désormais, les cartorios, l'équivalent des officiers d'état civil, ne pourront plus refuser de dresser un acte de mariage entre personnes du même sexe.
Garant de l'autonomie du pouvoir judiciaire, le CNJ vient ainsi compléter un arrêt de la Cour suprême de 2011, qui avait déjà reconnu l'«union stable», similaire au pacs, court-circuitant déjà le pouvoir législatif. Depuis, certains États de la fédération brésilienne avaient permis de transformer les unions stables entre personnes du même sexe en mariages, comme à Sao Paulo, où quelque 1300 actes ont été officialisés l'année dernière. Ailleurs, c'est l'arbitraire qui prévalait: les cartorios décidaient d'accepter ou non, selon leurs convictions. Une incohérence qui a incité des couples homosexuels à se tourner vers la justice, à laquelle sont subordonnés les officiers d'état civil. L'arrêt du CNJ est sans ambiguïté: «L'expression de la sexualité et des sentiments homosexuels ne peut servir de fondement à un traitement discriminatoire, qui ne trouve aucun support dans le texte de la Constitution fédérale de 1998.»
« L'expression de la sexualité et des sentiments homosexuels ne peut servir de fondement à un traitement discriminatoire, qui ne trouve aucun support dans le texte de la Constitution fédérale de 1998 »
L'arrêt du Conseil national de justice
Marcos Gladstone et Fabio Inacio font partie des couples qui attendaient cette décision avec impatience. Le couple a une particularité: tous deux pasteurs évangéliques, ils ont fondé ensemble l'Église chrétienne contemporaine, qui se veut «inclusive», c'est-à-dire acceptant les couples homosexuels chassés des autres temples. Ils y célèbrent des mariages religieux, dont le leur, mais sans reconnaissance civile. «Quand la Cour suprême a officialisé l'union stable, en mai 2011, nous étions le premier couple à y accéder dans l'État de Rio de Janeiro», raconte Marcos, un jeune homme à la voix posée.
Depuis, ils ont tenté de se marier mais, à Rio de Janeiro, rares sont les cartorios favorables à la mesure. «Entre-temps, nous avons adopté deux enfants, comme le permet l'union stable, mais je ne pouvais pas prendre le nom de Fabio, ni lui le mien, c'était absurde», poursuit-il. Ils ont déjà rassemblé tous les papiers pour se marier avant la fin de la semaine, et assurent que des dizaines de couples, au sein de leur Église, feront de même dans les prochains jours. «Heureusement que nous avons le pouvoir judiciaire pour nous protéger du Congrès, de plus en plus conservateur à cause des députés religieux qui déforment la parole de Dieu», conclut le pasteur.
Face à la montée en puissance des groupes religieux au Parlement, qui bloquent le vote des lois liées notamment à la famille, le recours à la justice est devenu systématique, et rapide. L'année dernière, la Cour suprême a ainsi autorisé l'avortement en cas de fœtus sans cerveau ainsi que les recherches à partir de cellules-souches.
Source : Lefigaro.fr