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86. Vive le squash !

Publié le 01 mai 2008 par Daniel
 
(4.18)


Avertissement de Daniel C. Hall : Je publie les billets de Zanzi plusieurs jours (voire plusieurs semaines) ; après réception du Canada. Pour garder toute l’émotion de son contenu, je vous conseille de ne pas lire mes notes en rouge, qui sont ajoutées après plusieurs lectures. Je ne voudrais pas gâcher ce beau début de ciel bleu pour notre Zanzi national (et je le prie de m’excuser d’avoir placé ces reugneugneu de notes dans son texte original.

Lundi 21 avril, de retour [au Caribouland maudit et honni depuis plusieurs épisodes, je tiens à le rappeler ! (Note de Daniel C. Hall)] de ma semaine thérapeutique en France pour évacuer les tourments que l’hiver m’avait infligés, je me suis laissé entraîner par mon ami Nick-le-dynamique à faire une partie de squash. Je fus d’emblée convaincu des bienfaits potentiels de ce sport en constatant que sa silhouette, dont les formes généreuses étaient dues en grande partie à l’infâme nourriture cariboulandaise en gros, commençait à retrouver des proportions plus gracieuses. Sans compter le regain d’énergie induit. C’est ainsi que, ce matin-là, je me suis mis au squash. Au bout de 15-20 minutes de ce cet exercice auquel mon corps n’est point rompu, j’étais déjà éreinté, ce dont Nick-la-malice m’avait prévenu. Le laissant poursuivre son régime sportif avec un autre partenaire, je me suis dirigé vers les vestiaires, baigné de sueur, presque haletant. Et c’est alors que je l’ai vu. Comme un instantané, mon regard a photographié son visage d’ange, son sourire avenant, l’azur de ses yeux, le brun clair de ses cheveux.
— C’est ta première séance ? me dit-il de son accent acadien, quoique pas trop prononcé.

Question qui recouvrait une affirmation que mon état laissait aisément deviner. Je n’en revenais pas, il avait de lui-même engagé la conversation. Quelques banalités plus tard, et juste avant de partir au bureau, nous décidâmes de nous revoir le lendemain. Même endroit, même heure. Mon cœur battait à 88 miles à l’heure [141,60 km/h si j’en crois ce formidable convertisseur en ligne (Note de Daniel C. Hall)] et je fus incapable de me concentrer de toute la journée, au grand déplaisir de mon patron à qui l’andropause donne des humeurs de grossesse nerveuse.

Mardi 22 avril. Mon cœur battait toujours la chamade [Et une autre chose devait palpiter aussi, mais je n’en dirai pas plus pour respecter la pudeur de mon ami Zanzi (Note de Daniel C. Hall)]. Jason serait-il au rendez-vous ? Oui, il était là, encore plus beau que la veille. Dans l’échange de nos balles, je voulais donner le meilleur de moi-même. Un peu de frime à la française, qui fit rire ce joueur plus expérimenté que moi. J’avais réussi à tenir cinq minutes de plus que la veille avec Nick, mais au bord de l’épuisement, je me suis adossé au mur et laissé glisser sur le sol. Jason s’est approché, assis à côté de moi, le temps que je reprenne mon souffle. Puis il m’a pris la main et m’a relevé d’un bond en disant :
— Allez, c’est fini pour aujourd’hui !

Nos corps redressés se tenaient l’un contre l’autre. Captivé par l’océan de son regard qui semblait annoncer les promesses d’un voyage au long cours à un marin qui part à l’aventure sans but précis, je balbutiai :
— T’es dispo ce soir pour prendre un verre ?
— Ce soir, je ne peux pas, je soupe chez mes parents. Mais demain, au St. James, 6h30 (du soir, bien sûr – note de moi-même), ça te va ?
— Oui. Demain, 6h30.

Mercredi 23 avril, St. James’Gate, rue Church. J’étais là à 6h20. Les minutes me semblèrent des heures, et les heures des années. Soudain je le vis arriver. Nous prîmes la table près du portrait du roi George V, un peu à l’écart, pour être tranquilles. Il me parla de son métier de professeur de musique à l’université (il a 26 ans), de sa famille native d’Edmundston, plus grand ville unilingue francophone du continent nord-américain en dehors de la province du Québec, et qui se trouve au nord du Nouveau-Brunswick. Nous nous découvrîmes à travers nos paroles, nos regards, nos mains qui s’effleuraient comme par mégarde. Vint le crépuscule. Pour prolonger ce moment, nous nous dirigeâmes vers la rivière pour admirer le paysage. L’endroit était tranquille, le risque d’être dérangés était infime. Les Canadiens n’aiment pas s’embrasser en public. Et au Nouveau-Brunswick, l’une des provinces les plus arriérées de ce grand pays pourtant plus progressiste que la France, soit Brokeback Mountain en pire, la discrétion est de mise. C’est tout de même dommage de perdre de précieuses secondes à s’assurer que l’on n’est pas épiés, mais une fois cette assurance obtenue, j’attirai Jason vers moi pour goûter au parfum de ses lèvres. Ces quelques secondes me semblèrent irréelles. À moitié paralysé par ma propre audace, je le vis cependant sourire et d’un geste, il m’attira vers lui pour me rendre ce cadeau. Je me sentis en feu comme l’horizon rougeoyant.

Jeudi 24 avril. Journée ponctuée de courriels, de sms, de trois coups de fil. Pour la première fois, l’absence. Comme un naufragé dans le désert qui meurt de soif. Ce soir-là, je devais aller à une soirée officielle dans le cadre d’un festival local. Je n’ai rien écouté, rien entendu. Je ne pensais qu’à lui qui, au même moment, donnait des cours du soir…



Vendredi 25 avril. Je devais le revoir, très vite, avant de passer le week-end à Halifax. Encore des relations publiques. Je voulais, avant le devoir de ma charge, consacrer du temps aux relations privées. Encore une mondanité à assurer, la suite de la veille, un 5 à 7 au restau de Nick. À 6h éclipsé [Bordel, du soir ou du matin ? Tu ne peux pas causer le français de France comme tout le monde ? (Note de Daniel C. Hall haletant d’impatience)].[Des détails ! Des détails ! Mais qu’est-ce que c’est que cette subite pudibonderie ! (Note de qui vous savez)] Jason m’attendait chez lui. Nos cœurs étaient au bord de l’explosion et nos corps entrèrent en fusion

Samedi 26 avril, Halifax, Royal Nova Scotia Yacht Squadron. Je suis entouré de personnalités importantes dans un club sélect qui a tout le charme des traditions de la monarchie britannique. Mon téléphone se met à vibrer : « you’ve got mail ». C’est lui.
— Tu me manques. Reviens vite.
Le dîner passe comme un rêve. La nuit, dans mon lit king size à l’hôtel Marriott, je ressens son absence.

Dimanche 27 avril, de retour à Moncton. J’ai quitté Halifax et son ciel nuageux pour rentrer chez moi sous un ciel ensoleillé. Je crois aux signes. Il m’attend. Il n’en peut plus d’attendre. Moi non plus. C’est le grand chamboulement et enfin, le miracle que je n’attendais plus. Un professeur de musique qui n’a pas peur des mots et sait mettre des paroles sur les accords de sa mélodie d’amour et qui me dit, les yeux dans les yeux : « je t’aime ».

P.S. : Mariah Carey m’a chargé de transmettre cette dédicace à mes ex.



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