Sondage sex toys

Publié le 06 mai 2008 par Abylis


Une plus grande liberté des mœurs à travers la libération sexuelle, tel est le thème des années 70 dans un contexte social et politique particulièrement propice aux mutations et évolutions. Faire reconnaitre la sexualité en dehors des liens du mariage, anéantir tous les tabous de l'époque, la contraception, l'avortement, le plaisir (surtout des femmes), l'homosexualité, tout en apportant aux femmes la connaissance de leurs corps, de leur sexe en leur donnant la liberté de jouir, la liberté de décider, la liberté de disposer d'elles-mêmes. En France, dès le lendemain de mai 68, date considérée comme le véritable accélérateur de la libération sexuelle, la mobilisation des femmes ne faiblit pas.

Le 29 août 1970 lors d'une manifestation, des femmes déposeront symboliquement sur la tombe du soldat inconnu, sous l'Arc de Triomphe, une gerbe portant la mention "Il y a plus inconnu encore que le soldat inconnu, sa femme".

Malgré une première victoire avec la loi Neurwith autorisant le libre recours à la contraception et dissociant par la même, le sexe et le plaisir de la reproduction, l'avortement, assimilé à un crime contre la sureté de l'état, demeure toujours passible de la peine de mort. Marie-Louise Giraud dite "la faiseuse d'anges", avorteuse pendant la guerre, est guillotinée, sous le gouvernement de Vichy, le 30 juillet 1943.

Chaque année, des centaines de milliers d'avortements clandestins sont pratiqués dans des conditions sanitaires souvent déplorables. L'avortement pouvant parfois être pratiqué dans des cliniques privées extrêmement onéreuses, relevait le plus souvent d'un véritable parcours du combattant, une adresse à trouver, de l'argent à rassembler, l'angoisse, la peur pour toutes ces femmes. Les infections provoquées par le manque d'hygiène ou le manque de savoir-faire les conduisaient à l'hôpital le plus proche pour un curetage. Gisèle Halimi (avocate et militante féministe) se rappelle les paroles d'un médecin pratiquant un curetage à vif : "Comme ça, tu ne recommenceras plus".

Un électrochoc est nécessaire pour dénoncer publiquement la répression faite à l'avortement et ses conséquences. En Avril 1971, une publication dans le magazine du Nouvel Observateur provoque un véritable scandale obligeant les médias à relayer l'information et enfin à prononcer ce mot, encore tabou : avortement. Il s'agit d'un manifeste signé par 343 femmes connues de la littérature (Françoise Sagan, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir), du spectacle (Brigitte Fontaine, Catherine Deneuve, Jeanne Moreau) de la politique, ou même anonymes déclarant avoir eu recours à l'avortement. Le "Manifeste des 343 salopes" met au défi le gouvernement d'entamer des poursuites judiciaires contre ces femmes qui reconnaissent avoir enfreint cette loi qu'elles contestent.

Dans ce contexte d'agitation, Gisèle Halimi avec Simone de Beauvoir, Jean Rostant (académicien), Christiane Roche (romancière) et Jacques Monod (Prix Nobel de Médecine) fondent l'association Choisir la cause des femmes. Cette association a pour souhait de développer l'éducation sexuelle, d'abroger la loi de 1920 condamnant l'avortement mais aussi de défendre gratuitement les femmes poursuivies pour avortement, avec un slogan : "La contraception, ma liberté. L'avortement, mon ultime recours. Donner la vie, mon choix".

Cette association prendra en charge le retentissant procès de Bobigny. Gisèle Halimi se saisit de l'affaire. Le 11 octobre 1972, s'ouvre à Bobigny le procès de Maire-Claire, 16 ans, "violée" par un camarade de classe et dénoncée par lui pour avortement illégal. Par cette affaire, Gisèle Halimi fait le procès des lois anti-avortements de 1920, des lois "objectivement mauvaises, immorales et caduques". Maire-Claire est relaxée.

Ce procès va susciter commentaires et débats dans toute la France, des centaines d'articles, d'émissions sur les radios ou les télévisions sont consacrés à l'affaire, créant un mouvement d'opinion irréversible. Gisèle Halimi a gagné son "pari". Grâce à cette affaire et à l'action de mouvements comme Choisir la cause des femmes, le Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception, et le Mouvement de libération des femmes (MLF), l'opinion est sensibilisée ouvrant ainsi la voie à la loi Veil.

Novembre 1974, la ministre de la Santé, Simone Veil présente son projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse. L'Assemblée Nationale vit durant trois jours, des débats d'une rare intensité, des tracts et brochures au contenu odieux sont distribués auprès des parlementaires. Le 29 novembre 1974, il est 3h40, la discussion s'achève et Simone Veil, femme de droite, obtient de l'Assemblée Nationale la dépénalisation de l'avortement. La loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) du 17 janvier 1975 est votée grâce à l'appui des députés socialistes et communistes.

Ces évènements qui parsemèrent les années 70 vont traduire le développement d'une autre relation au corps, à la sexualité et à l'idée qu'on se faisait du bonheur. Cela comprends également le détachement entre sexualité et reproduction alliée au mariage. La vie sexuelle peut désormais se développer librement, en dehors des barrières qui étaient établies depuis toujours. Ces années voient l'approfondissement d'une certaine expérimentation du sexe par désir ou par curiosité d'une grande avidité. "La vie se déroule sous les couleurs de l'expérience, on se disait qu'il ne fallait rien refuser, même pas les expériences homosexuelles".

Dans le sillage des mouvements féministes, le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire (FHAR), mené par Guy Hocquenghem et Françoise d'Eaubonne, voit le jour. Son premier coup d'éclat est l'irruption salle Pleyel, le 10 mars 1971, à l'émission de Ménie Grégoire sur RTL consacrée à l'homosexualité, ce "douloureux problème".

Des slogans de l'époque scandés dans les rues : "Prolétaires de tous les pays, caressez-vous", "Lesbiennes et pédés, arrêtons de raser les murs" ou "CRS, déserrez les fesses". Dans leurs discours politiques, les femmes et les homosexuels se retrouvaient sur un terrain commun : la libre disposition du corps.

Les effets libérateurs de mai 68 font évoluer les mentalités, changent les mœurs et imposent progressivement le sexe à l'écran. Les scènes d'amour deviennent plus crues. Ce ne sont plus des femmes nues, des baisers mais des scènes de plus en plus explicites. C'est l'avènement du cinéma érotique. Emmanuelle avec Sylvia Krystel, le culte du plaisir et de la jouissance, rencontre un succès planétaire. Après avoir été interdit par le gouvernement Pompidou pour "manque de respect envers le corps humain", le film fait 16 000 entrées le jour de sa sortie. Sans oublier les Contes immoraux de Valérian Borowczyk, évoquant le libertinage à travers les siècles de manière ouvertement érotique.

Les années 1973 et 74 marque la grande offensive du sexe à l'écran. Les réalisateurs profitent de cette brèche qui s'ouvre à eux. Bertrand Blier et l'inoubliable Les Valseuses avec Miou-Miou, Patrick Dewaere et Gérard Depardieu, illustre parfaitement cette frénésie sexuelle. Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolluci avec Marlon Brando, un film sulfureux à travers une scène mythique suggérant la sodomie.

Dans le même temps, les premiers films "hardcore" (contenant des actes sexuels non simulés), arrivent en France dès 1975. Alex de Keuzy dans Anthologie du Plaisir expose le sexe de manière claire, sans artifices, passant alors de la suggestion à la représentation non simulée de l'acte. Des films incontournables marqueront leur époque tels que Derrière la porte verte en 1972 des Frères Mitchell. Ce film récolte d'excellentes critiques, devenant vite le film à voir. Au Festival de Deauville en 1975, le ministre de la culture de l'époque, Michel Guy, réservera une rangée de fauteuils VIP pour la première française du film.

Autre grand classique : Deep Throat (Gorge profonde) dont le scénario se résume en quelques lignes. Frustrée sexuellement, une femme prend rendez-vous avec un médecin. Celui-ci découvre qu'un clitoris se cache au fond de la gorge de la jeune femme et lui conseille alors une thérapie singulière, pratiquer des fellations particulières, des "gorges profondes". Ce film devient un véritable phénomène culturel, un film culte pour toute une génération.

La prolifération de ce nouveau genre de films provoque des remous. La loi de 1975 institue le classement X, c'est-à-dire l'obligation de diffuser les films jugés pornos dans des salles spécialisées et instaure une taxation spécifique (hausse de la TVA pour ces films pénalisant fortement les producteurs). Les productions pornographiques dites hard conquièrent les cinémas devant un engouement toujours croissant du public. Le cinéma X crée ses propres stars comme Alban Ceray et Brigitte Lahaie. En 1977, les salles X font encore 8 millions d'entrées sur la France, soit 5% des entrées.

Cette entrée du sexe dans le paysage français se traduit également par l'apparition des premiers sex-shops, ce qui est plutôt révélateur du rapport des français au sexe et à la pornographie. Malgré l'existence de librairies libertines dès les années 30, le mot sex-shop n'a lui été utilisé qu'à partir des années 70. Dès 1973, l'obligation d'opacifier les vitrines (par arrêté préfectoral) oblige les propriétaires des lieux à se faire remarquer par des néons et enseignes lumineuses. Des cabines de visionnage apparaissent dans ces lieux dédiés à la sexualité. En 1975, après la loi de taxation sur les œuvres pornographiques, les sex-shops diffuseront les films n'ayant pas obtenu les visas d'exploitation. Les sex-shops deviennent alors des lieux de masturbation et des espaces à dimension communautaire par le biais de la diffusion de petites annonces en vue de rencontres sexuelles.

Les années 70 diffusent une nouvelle conception de la sexualité, un accès égalitaire au plaisir avec un orgasme partagé et une place faite à la masturbation. L'apparition du godemiché-vibromasseur incarne parfaitement ces conceptions naissantes. En France, la presse populaire diffusent des publicités pour ces petits gadgets vibrants. Certains organismes de vente par correspondance les proposent, sans toutefois garantir d'orgasme mais plutôt une bonne santé et une amélioration de la circulation sanguine.

L'ensemble de la société est traversée par une vague de libération sexuelle. De sujet tabou, la sexualité devient sujet de société en investissant la place publique. Elle sort du domaine médical avec le rapport Simon en 73, sur le comportement sexuel des français, une grande enquête d'opinion tentant de traiter la sexualité dans sa dimension sociologique.

L'école n'a pu faire autrement que de s'ouvrir à cette libéralisation de la morale et des mœurs à travers l'apparition de cours d'éducation sexuelle. En 1971, le célèbre tract du Docteur Carpentier, "Apprenons à faire l'amour, c'est là le chemin du bonheur. C'est la plus merveilleuse façon de se connaitre", diffusé dans les lycées, est considéré comme une provocation. Cela lui vaudra d'être interdit par le conseil de l'ordre d'exercer son métier pendant un an et d'être accusé et condamné pour "outrages aux bonnes mœurs".

En juillet 1973, après le création du Conseil Supérieur de l'Information Sexuelle, de la Régulation des Naissances et de l'Education Familiale (à l'initiative de Lucien Neuwirth), parait la circulaire du 23 juillet 1973 (ou la circulaire Fontanet), introduisant l'information et l'éducation sexuelle en milieu scolaire. D'une part, une information scientifique intégrée aux programmes de biologie, et d'autre part, une "éducation à la responsabilité sexuelle" sous la forme de séances facultatives, en dehors de l'emploi du temps, sous l'autorité du chef d'établissement, avec autorisation des parents pour les plus jeunes.

Le sexe a désormais sa place au sein de la société. Le mouvement de libération sexuelle a permis d'ouvrir la voie aux femmes vers une sexualité libre, une liberté de gestes, de pensées et au plaisir.