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Tous les guides touristiques vous ont certainement vanté Montréal comme étant un « paradis gay », avec son Village (l’équivalent du Marais parisien), et sa rue Sainte-Catherine. Ces mêmes guides vous auront probablement raconté que les garçons y sont beaux et, contrairement aux parisiens, ne vous jugent pas à l’aune de vos fringues fashion achetées à prix d’or chez Boyz’Bazaar, et ne vous regardent pas comme un morceau de viande en se demandant si vous n’avez pas dépassé la date limite de consommation. Sortez à Montréal et en cinq minutes vous êtes dragué, emballé, et hop ! direction la maison ou l’appartement car, voyez-vous, pas question de s’embrasser en public ! On se croirait en Inde… D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi les films de Bollywood ont autant de succès alors que les scènes de baiser y sont prohibées. C’est pire que le Code Hayes de censure des films de l’âge d’or hollywoodien qui avait sévi entre 1934 et la seconde moitié des années 60. Cette première parenthèse étant refermée, j’en reviens à mon sujet. Ce long préambule a pour objet de vous renseigner sur ce que je manque en étant, non pas à Montréal, mais à Moncton.
Toronto ou Vancouver eussent été des destinations tout aussi convenables que la première métropole francophone d’Amérique du Nord pour y trouver de quoi agrémenter mon exil, mais Montrouductown… Je ne vous raconte pas ! Ou plutôt si, je vous raconte tout. Vous allez pleurer pour moi.
Premier constat : le Nouveau-Brunswick est la province de l’Est canadien la plus arriérée en matière de mœurs. Imaginez Brokeback Mountain… en pire. Première conséquence : sur les sites de rencontres, plus de la moitié des mecs cachent leur visage ou ne mettent même pas de photo. Deuxième corollaire : ce sont aussi des honteuses qui se disent bi et qui, pour la « bonne cause », se marient (avec une femme, cette précision étant d’importance puisque le Canada autorise le mariage entre personnes de même sexe), donc trompent leur conjointe pour assouvir leurs plus bas instincts. Troisièmement, la discrétion est de mise. Raison pour laquelle on ne met pas la photo de son visage, mais plutôt son torse, son cul, sa bite, voire le corps entier, nu ou habillé, peu importe, mais sans la tête ! Voulez-vous coucher avec un guillotiné ? Bien sûr, toute règle a ses exceptions : en l’occurrence, ce sont les mecs jeunes et beaux qui affichent volontiers leur sourire ultra-brite pour attirer le chaland. De là à dire que ceux qui se cachent sont moches…
Deuxième constat : à Montrou, il n’y a qu’un seul et unique bar LGBT. J’insiste sur ces quatre consonnes puisque l’établissement n’est pas, à proprement parler, un bar gay. Il a pour nom « Triangles », au pluriel. Or, qu’est-ce qu’un triangle sinon la représentation d’un vagin ? La raison de cette singularité est que les patrons sont des patronnes, donc des gouines ! Je n’ose écrire que ce sont des lesbiennes, puisque dernièrement, une dépêche de l’AFP datée du 29 avril m’apprit que des habitants de l’île de Lesbos ont saisi la justice hellène pour revendiquer l’usage exclusif du terme « lesbienne », selon eux usurpé par les homosexuelles. Les plaignant(e)s « estiment que les habitants de l'île sont victimes d'un "viol psychique et moral" du fait de la "confiscation" par les homosexuelles d'un qualificatif au départ géographique ». Cette deuxième parenthèse étant refermée, j’en reviens à nos amies les femmes qui aiment les femmes.
Mais, me disais-je encore vendredi soir lorsque avec Jason j’ai osé mettre les pieds dans ce lieu de perdition, ces femmes sont-elles réellement des femmes ? Look para-militaire, démarche masculine, cheveux coupés en brosse, ce sont des caricatures de camionneuses qui semblent consacrer des efforts colossaux à gommer toute trace de féminité. J’avais envie de crier, comme autrefois Patrick Juvet : « où sont les feeeeeeeeeeemmmmmmes ??? » Jason me fit justement remarquer que certains minets avaient l’air nettement plus féminin que ces demoiselles biologiques. Enfin, pour le peu de monde qu’il y avait là. Et je vous épargne les détails sur la sélection musicale qui ne donne pas envie de se trémousser sur la piste de danse. Quelques vieux habitués tentaient, sans y croire, leur chance sur les quelques bandits manchots qui traînent à l’arrière du bar principal, près de deux ou trois billards où les goudous, telles de vrais mecs, jouent avec une queue et des boules.
Dernier et ultime constat navrant pour votre serviteur qui a connu les nuits parisiennes du crépuscule jusqu’à l’aube avec leurs « before » et leurs « after », mais qui illustre de façon criante le choc culturel que j’ai ressenti dans les si peu riantes contrées où j’éprouve la douleur de résider : si tous les établissements ferment à deux heures de la nuit (expression made by Zanzi car pour moi, à 2 heures après minuit il fait nuit, ce n’est pas le matin, donc dire qu’il est « 2 heures du matin » c’est n’importe quoi, na !), donc dis-je, si les établissements ferment à 2 heures en vertu d’une obligation légale (ça rigole pas, je dirais même plus : c’est pas gai !), les clients de celui-ci ne commencent à affluer que vers minuit !
Les pauvresses ! Deux heures à glandouiller dans un endroit dont le design à faire peur mériterait un lifting complet, à boire de la bière pour entretenir son gros bide tout en cherchant du coin de l’œil qui on pourrait bien essayer d’emballer pour ne pas passer le reste de la nuit tout seul, reconnaissez que c’est pathétique. Autant aller au cinéma avec son chum, pour se tenir la main dans le confort d’une salle obscure comme celle de La Dernière Séance d’Eddy Mitchell (et de Gérard Jourd’hui), comme des amoureux des années cinquante. Mais l’heure de la dernière séance étant déjà passée, Jason et moi sommes rentrés nous glisser sous la couette et ça, au moins, c’était chouette !
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