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03. Le coming-out : une obligation scénaristique péjorative ?

Publié le 15 mai 2008 par Daniel
03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?



LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION

SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?


Une chronique d'Isabelle B. Price, d'
Univers-L

 

03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?

Le coming-out est à la communauté homosexuelle ce que sont les arts martiaux aux asiatiques, ce qu’est le racisme aux noirs et le sexisme aux femmes : une caractéristique obligatoire et bourrée de clichés. Le cinéma et la télévision ne se sont pas gênés et ne se gênent toujours pas, d’ailleurs, pour explorer et exploiter ce sujet jusqu’à saturation. Rien d’exceptionnel et de nouveau. Une chose a cependant retenu mon attention, les différentes étapes avant le coming-out fatidique et les conséquences de ce dernier.

Commençons par les différentes étapes de l’acceptation de l’homosexualité (reprises des étapes de la théorie de Vivienne Cass).

03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?

 

I) LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE L’ACCEPTATION DE L’HOMOSEXUALITÉ :

 

Tout d’abord, comme dans la réalité, le jeune gay ou la jeune lesbienne (puisque les caractéristiques sont communes au cinéma homo) prend conscience de sa différence et de son attirance pour le même sexe. Soit il tombe amoureux d’un hétéro, cas le plus difficile puisqu’il ne peut espérer aucune réciprocité comme dans Edgemont, La Rumeur, All Over Me, Anne Trister… (c’est assez répandu), soit il succombe au charme d’un(e) homosexuel(le) qui se sait déjà homosexuel(le) (Aimée & Jaguar, Un Autre Regard, But I’m A Cheerleader…).

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Même si ce cas est le plus courant, il ne faut pas faire l’impasse sur ces longs métrages ou séries qui ignorent cette étape en présentant des personnages, souvent adultes qui ont toujours su qu’ils étaient gays mais le cachent volontairement à leurs parents et famille. Ils vivent leur sexualité de manière libérée et fière jusqu’à ce que leur compagnon ou compagne (Floored By Love, Que faisaient les Femmes…) ou amis (Pourquoi Pas Moi ?) ne les obligent, en les mettant au pied du mur, à faire leur coming-out et à s'assumer face à leur famille.

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1°/ La Confusion:

Après cette prise de conscience de ses sentiments plus qu’amicaux pour un ou une ami(e), le jeune gay ou la jeune lesbienne passe par une étape de confusion. Forcément. C’est très rarement simple et à ce moment-là, il se pose un demi milliard de questions (un milliard ça aurait fait trop). Soit il le fait en voix off comme Jane dans Le Secret de Jane, soit il écrit des poèmes comme Shannon dans Edgemont ou Katie dans Once & Again. Le fait est que c’est la confusion totale dans son esprit. Il ou elle commence à s’interroger sur son orientation sexuelle et envisage la possibilité d’être homosexuel(le).

2°/ La Comparaison:

C’est le moment où le personnage homosexuel a intégré la probabilité comme une grande possibilité et qu’il se compare aux hétérosexuels. Il prend conscience de ce qu’il n’aura pas et des différences que cette sexualité différente implique. C’est la période que les auteurs et les réalisateurs préfèrent visuellement à mon avis. Celle où ils montrent des couples hétéros se tenant par la main, marchant tendrement enlacés et où le héros ou l’héroïne regarde avec envie. Il peut leur arriver d’aller encore plus loin en montrant des parents avec leurs enfants courant et souriant. Désespoir total et isolement maximum.

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3°/ La Tolérance:

Heureusement à ce moment-là, le jeune gay ou la jeune lesbienne se met à intégrer qu’il est homo et ressent le besoin de rencontrer des personnes qui lui ressemble pour pouvoir se confier. Et pour l’aider, on lui trouve souvent un lointain ami gay (quand même, on ne va pas être trop dur non plus) Le Secret de Jane, Le Club des Coeurs Brisés, It’s In The Water…
Le héros ou l’héroïne a accepté l’idée mais il a toujours honte. Il vit une sorte de double vie où il sait qui il est mais où les autres l’ignorent (sauf certains privilégiés).

4°/ L’Acceptation.

Il finit par accepter totalement sa sexualité au prix d’un effort surhumain et consent à la vivre pleinement. C’est en général le moment où se dessine le coming-out parce que le jeune gay ou la jeune lesbienne n’a pas le droit de souffler. Les étapes suivantes du développement de l’identité par Vivienne Cass que sont la fierté et la synthèse n’arriveront qu’après, dans longtemps, très longtemps.

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Trois solutions à ce moment-là. La première, il ou elle se sent prêt à assumer et provoque une discussion avec sa famille en ayant la ferme intention de leur révéler la vérité. La seconde, il ou elle ne se sent pas prêt(e) mais tous ses amis ou celui ou celle qui partage sa vie ne le supportent plus et lui posent un ultimatum pour qu’il sorte du placard. Dernière option la découverte fortuite au cours d’un baiser (It’s In The Water) ou pire, d’un déshabillage en règle (South of Nowhere).

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II) LE COMING-OUT :

Et malheureusement dans une grande majorité des histoires de coming-out, celui-ci se déroule extrêmement mal. Heureusement que d’autres histoires ignorent ce sujet, sinon ce serait déprimant. D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais vu une série ou un film où les parents du jeune gay ou de la jeune lesbienne déclaraient, lors de cette découverte : « Je m’en doutais » ou bien « Et tu pense que ta sexualité va changer quelque chose à l’amour que je te porte, tu restes mon enfant, ma chair et mon sang. » Aucun. Jamais. [Je sens que ce point-là va faire débat. (Note de Daniel C. Hall)]

La plupart du temps, le coming-out se déroule donc mal. Toutes les réactions ont été dépeintes de ce côté-là. Pour vous donner une idée et sans rentrer dans les détails, dans tous les films, lorsque les parents font face au coming-out de leur enfant, ils passent par les cinq étapes du deuil définies par Elisabeth Kübler-Ross. Systématiquement. Et ce n’est pas une blague. Alors bien sûr, je vous l’accorde, ils restent principalement bloqués sur les trois premières étapes mais n’empêche.

03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?

1°/ Le Choc et le Déni:

C’est systématique. Le meilleur exemple : la mère de Spencer dans South of Nowhere ! Ça c’est du choc ! La mère d’April dans April’s Shower est également pas mal du tout.
Facile à expliquer, cette étape est caractérisée par la sidération. C’est la bouche grande ouverte, le sourcil levé, le malaise avec évanouissement, le choc dans toute sa splendeur.

2°/ Le Déni:

Caractérisé par la phrase  « Non, pas mon enfant ! » (avec un ton dramatique, je vous prie, on est au cinéma tout de même) ou alors « Oh… Mon… Dieu… » et pour les bilingues « Oh… My… God… »
Pour faire simple, les interlocuteurs refusent d’entendre l’information. « C’est pas vrai ! C’est pas possible ! » sont autant d’exclamations que vous retrouverez dans la bouche des mamans lors des coming-out cinématographiques et télévisées. Et elles savent les accompagner de belles mimiques et grimaces.
L’information choquante est refoulée et refusée. Parfois cette étape peut passer très rapidement et parfois, elle peut durer très longtemps. Un exemple ? La mère de Wil dans Saving Face. Elle a découvert sa fille au lit avec une autre femme il y a plusieurs années et continue à lui présenter des hommes et à tenter de la marier. Si c’est pas du déni, je sais pas ce que c’est.

3°/ La Colère:

La phase préférée de la plupart des cinéastes, réalisateurs et scénaristes. L’information a été intégrée mais elle est trop douloureuse. Les parents se révoltent et réagissent de manière violente et agressive, rarement contre eux, principalement contre leur enfant.
Les exemples de parents perdant le contrôle sont nombreux. Je peux à nouveau citer South of Nowhere qui, pour une série adolescente a osé aller très loin dans la réaction violente de la mère à l’encontre de la petite amie de sa fille. Le Secret de Jane va également loin comme Benzina, Treading Water…
Les critiques infondées, la culpabilité, le blâme font partie de cette étape de colère. Elle regroupe toutes les réactions négatives du coming-out. C’est extrême, violent, dangereux, ça fait peur, ça secoue, c’est génial pour l’audience en somme. Génial pour l’audience mais pas pour les jeunes téléspectateurs gays ou lesbiens. Vous parlez d’un exemple, tout se passe mal !

03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?

L’étape suivante, la dépression symbolisée par une période d’abattement, de tristesse et de désespoir est peu représentée. Elle est tellement moins accrocheuse et glamour qu’il est très facile de faire l’impasse dessus. On arrive directement à la résignation puis à l’acceptation.

Mon problème est donc bien cette représentation extrêmement négative du coming-out. Pourquoi doit-il forcément mal se dérouler, pourquoi doit-il systématiquement être si violent ?
On peut explorer différentes pistes de réflexion.

1) L’aspect rentable : Le drame pour faire de l’audience. Principe facile à énoncer mais qui a fait ses preuves. La violence, même gratuite, attire les spectateurs.

2) L’aspect positif : Une manière de mettre en garde les jeunes homosexuel(les) contre les dangers de l’homophobie en leur montrant des images choquantes et en leur expliquant qu’ils ne connaissent jamais vraiment ceux qui les entourent. Une mise en garde. De la prévention en quelque sorte.

3) L’aspect négatif : Une condamnation flagrante de l’homosexualité à travers les fictions. Un moyen politiquement correct de dire que l’homosexualité est un pêché condamnable, renforcé par le fait que les jeunes ayant fait leur coming-out souffrent.

03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?

4) L’aspect politique : Reprise du vieil adage « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Une sorte de mise en garde contre les méfaits de la visibilité et des revendications homosexuelles.

5) L’aspect religieux : Succomber à la tentation et oser avouer ses pêchers vous donne droit à un aller direct pour l’enfer.

6) L’aspect sociologique : Non, l’homosexualité n’est plus un crime, on remplace la prison par les séances de psychanalyse (demandez donc à la mère de Jane dans Le Secret de Jane).

03. LE COMING-OUT : UNE OBLIGATION SCÉNARISTIQUE PÉJORATIVE ?

En gros, rien de très réjouissant. Et pourtant, contrairement à ces représentations négatives, il arrive de plus en plus régulièrement que le coming-out se déroule très bien dans la réalité. J’exhorte donc les auteurs, scénaristes, réalisateurs et producteurs à oser dépasser ces clichés péjoratifs pour offrir des représentations positives à la jeune génération. Un peu de bonheur donnerait du courage.

Enfin il reste tout de même les séries et films sans coming-out ou alors les parents compréhensifs et fiers de leurs progénitures malgré ces différences. Tout le monde avec moi devant A Family Affair et Nina's Heavenly Delights.

Isabelle

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