La pomme golden, blette, desséchée, son jus sucré épuisé depuis longtemps, sa peau se décollait du peu de chair lui restant. Les vers, creusaient d'innombrables galeries, la multitude ne se souciait pas de l'assassinat de leur mère nourricière. Ne voyant pas que sa fin signifiait leur propre mort.
L'exploitant de la pommeraie allait sévir. Il n'avait plus le choix. Sinon, sa récolte serait entièrement perdue; des années de dur labeur, à bichonner ses arbres. Protéger les jeunes arbrisseaux du gel en les empaquetant dans des bâches. Les arroser avec amour le temps de la sécheresse venue. Éloigner les oiseaux dévoreurs de fruits à peine germées. Les élaguer, assurant leur place au soleil. Éliminant les plus faibles pour garder les plus robustes, ceux qui allaient donner le plus de savoureux fruits.
Aujourd'hui, il allait perdre sa qualification bio, mais c'était ça, ou être ruiné et se retrouver sans ressource tout une saison. Il avait une famille à nourrir ; diantre! La survie justifie les moyens.
Il alla chercher ses insecticides, fongicides, herbicides, pesticides, quatuor salvateur, dans son appendice jouxtant la ferme. Il anéantirait la menace sans coup férir.
Il aspergea, répandit, volatilisa ses produits, dans un tsunami dévastateur, n'épargnant aucune parcelle. Le nuage recouvrit tout. Enveloppa tout. Le moindre hectare noyé d'une soupe chimique tueuse.
L'exploitant voyait les vers se tortiller hors de la sphère. Essayant dans d'ultimes bonds chimériques de quitter cette Terre inhospitalière, dévastée, polluée. Il jubila. La tête lui tourna. Il commença à vaciller sur ses appuis. Une nausée remonta le long de sa gorge. Se déversa sur son plastron. Il s'écroula, sa bouche poussa un dernier râle.
Plus tard, le nuage dissipé, un ange se posa à côté du cadavre. Il s'accroupit à côté de son frère. Chercha son pouls. Il se releva peiné. Saint Eloi avait péri en essayant de sauver son verger de voie lactée, culture de planètes bleues.