Une chronique très détaillée de « La lectrice » par Steph’ Cannelle, directrice de collection érotique

Par Jean-Baptiste Messier

 Steph’Cannelle est directrice de collections érotiques aux éditions « Dominique Leroy« . Elle me fait l’honneur sur son blog  d’une chronique d’une très détaillée de mon recueil de nouvelles érotiques « La lectrice » :

La Lectrice, Jean-Baptiste Messier


Posted by chocolatcannelle

L’auteur de ce recueil de textes (nouvelles, récit et même poésie), Jean-Baptiste Messier, a publié depuis deux ans un grand nombre de livres numériques via la plate-forme d’autoédition Altramenta dont je parlais précédemment à propos du livre de Léon de Griffes. Il raconte dans un billet de son blog l’origine de ces publications, il y a deux ans. Et à l’origine, il y a eu La Femme de mes rêves. La Lectrice, que l’auteur m’a gentiment adressé à ma demande (j’étais en effet curieuse de découvrir sa plume)  a été publié en 2013.

La Lectrice a une couverture qui se remarque. Je l’aime beaucoup. Seulement, elle m’orientait vers la correspondance. J’imaginais, à l’instar de La Femme de papier, des billets plus épicés que doux. Or, il ne s’agit pas de cela, mais d’une femme, lectrice professionnelle spécialisée dans l’érotisme. Cela existe, je pense à Désie Filidor, par exemple…

Ainsi, le premier récit est un prologue. Il s’agit de la rencontre entre deux êtres, la lectrice, prénommée Jeanne, et l’auteur de récits érotiques que Jeanne lit fréquemment à ses clients. L’auteur est souvent dans les récits érotiques un personnage de fantasme, ou du moins un personnage à la sexualité débordante. On peut penser au dernier livre de Gil Debrisac, Club privé, pour ne citer qu’une de mes dernières lectures. Dans La Lectrice, la figure de l’auteur apparaît donc sous les traits de Richard, auteur érotique à succès, richissime (si décalé par rapport à la réalité du statut d’auteur!), qui pense emballer une fan alors qu’il est sous son contrôle, et sous les traits d’une jeune femme entreprenante dans la première nouvelle du recueil après le prologue, Un Train d’enfer. Elle est diablement sexy et use de son livre, notamment de sa couverture, pour conduire le personnage qui lui fait face dans le compartiment à comprendre ses intentions.

Le livre est le maillon entre deux êtres. Il les réunit charnellement. Il en est de même dans la nouvelle Bouche cousue, où dans une société dictatoriale, une cliente de la librairie lit à voix haute, dans la remise, un livre de propagande, pendant qu’elle se fait sodomiser par le libraire. Lire pour tromper l’ennemi, pour donner le change, pour couvrir leurs ébats.

Jean-Baptiste Messier évoque en filigrane une société castratrice, ressort fréquent de la science fiction.

Prendre du plaisir, dans notre société d’après la grande révolution de 2060, est mal vu, et le faire dans un lieu impropre, illégal.

(in Bouche Cousue, p. 49/58. Qu’on ne se fie pas au nombre de pages affiché sur ma liseuse, il s’agit vraisemblablement de pages A4, autrement dit, on double le nombre de pages à la lecture : une page numérotée vaut deux pages de lecture sur liseuse.)

Émois de miroirs clôt cet ensemble de textes. On y retrouve Jeanne la lectrice et Richard, l’auteur devenu auditeur de ses propres textes que Jeanne fait vivre de sa voix. La voix, si charnelle, qui émeut, qui bouleverse. La jouissance est commune, chacun se masturbant en regard de l’autre.

Ainsi constitué, le recueil aurait été parfaitement structuré. Or, il y a deux autres textes : Ma Carmilla, un poème situé en toute fin du livre et un récit long qui s’intercale entre Un Train d’enfer et Bouche cousue, intitulé Le Couvent des envies. Un sort rapide au poème : je ne l’aime pas. Je sais très difficile quand il s’agit de poésie, et celui-ci ne me semble pas de qualité suffisante. Je peux en dire de même avec le poème écrit rapidement par le libraire pour séduire sa cliente, dans Bouche cousue. J’évoquerai Le Couvent des envies en dessous.

L’auteur sait manier la langue, ses récits sont bien écrits, j’en ai trouvé la lecture agréable. Un bémol cependant pour un passage de Bouche cousue où la succession de « je » et de « elle » en tête de phrase ou de proposition est assez lourde (p. 51). Il aurait été bienvenu d’intercaler plus souvent un sujet à la troisième personne. Lorsque la cliente de la librairie commence la lecture, cela permet enfin de sortir de ce cadre étroit du « je fais ceci, elle fait cela ».

La présence du Couvent des envies, dans ce recueil, ne se justifie pas. Malheureusement, il en casse l’harmonie. On ne s’étonne donc pas qu’il ait pu faire l’objet d’une publication indépendante. Car c’est ce qu’il est : indépendant, et donc à lire comme tel. Composé de onze chapitres courts, ce petit roman n’est pas dépourvu d’intérêts. Au XIVe siècle, le père Jean a rejoint le couvent pour échapper au duc et non pour une foi débordante. La religion est un carcan. Il prône la liberté sexuelle et gagne à sa cause toutes et tous les novices, et même la mère supérieure. Chaque chapitre est raconté du point de vue du père Jean ou de Virginia, novice en proie aux tourments de la chair. Ce que j’ai aimé par dessus tout, ce sont les doutes de Virginia, en fin de récit, ses élans incontrôlables entre l’amour et la haine.

La Lectrice, Jean-Baptiste Messier, Altramenta, eBook (2,99€) ou livre papier.


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