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Dossier Archive: La décriminalisation des danses contacts au Canada

Publié le 14 juin 2008 par Ttiger

La décriminalisation des danses contacts au Canada : La loi sur l’indécence et l’évolution de la société
Par Mélodie, 2005

Les performances de danseuses nues existent au Canada depuis un bon moment. Les premiers strip-teases sont apparus dans les cabarets au cours des années 50 avec le burlesque. Depuis, les danses nues sont pratiquées légalement au Canada.

Les danses-contact ont fait leur apparition au courant des années 90. Les établissements de danses érotiques qui permettaient les danses-contact ont toujours fait l’objet de répression et de contrôle judiciaire. En 1999, la Cour suprême affirme que les mœurs de la société ont évolué et annonce que les danses-contact sont légales au Canada.

LA LOI SUR L’INDÉCENCE
La première Loi sur l’indécence remonte en Angleterre, le common law disposait d’une infraction « d’outrage à la pudeur. » L’indécence était considérée comme une offense aux normes de la convenance et un danger au maintient de l’ordre moral. Le premier jugement en vertu de la Loi sur l’indécence a été effectué dans l’affaire Sydley en 1963 où un homme s’était montré nu sur son balcon.

Au Canada, la première loi qui criminalise l’indécence a été adoptée dans le Code criminel canadien en 1892. En 1931, une infraction relative à la nudité dans un lieu public a été ajoutée aux dispositions du Code criminel. La Loi sur l’indécence a finalement été modifiée en 1954 pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui :

Dispositions du Code criminel
PARTIE V INFRACTIONS D’ORDRE SEXUEL, ACTES CONTRAIRES AUX BONNES MOEURS, INCONDUITE
Article 173
(1) Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque volontairement commet une action indécente :
(a) soit dans un endroit public en présence d’une ou de plusieurs personnes;
(b) soit dans un endroit quelconque avec l’intention d’ainsi insulter ou offenser quelqu’un. Article 174
(1) Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, sans excuse légitime, selon le cas :
(a) est nu dans un endroit public;
(b) est nu et exposé à la vue du public sur une propriété privée, que la propriété soit la sienne ou non.
(2) Est nu, pour l’application du présent article, quiconque est vêtu de façon à offenser la décence ou l’ordre public.
Les autres infractions du Code criminel qui comporte la notion d’indécence :
Alinéa 163(2)b) Spectacle indécent
Article 167 Représentation théâtrale indécente
Deux principes sont généralement évalués pour déterminer si un acte est indécent ou non. Les actes ne doivent pas outrepasser la norme sociale de tolérance et les actes ne doivent pas causer de préjudice à la société.

LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME DANS LE PROCÈS DU PUSSY CAT - 1993
Dans l’affaire du Pussy cat, cinq personnes ont été accusées d’avoir tenu une maison de débauche à des fins de pratique d’actes d’indécence. Les danseuses qui y travaillaient, recevaient leurs clients dans une chambre privée. Les clients pouvaient se dévêtir et se masturber devant les posent suggestives des danseuses. Ces dernières simulaient, elles aussi, la masturbation et l’utilisation de vibrateurs était une pratique courante lors des performances. Les contacts entre les clients et les danseuses étaient strictement interdits par le propriétaire du Pussy cat.

En 1993, la Cour suprême statue que les activités exercées au Pussy cat ne sont pas indécentes et qu’un individu peut se masturber devant une danseuse dans une chambre privée. La décision de la Cour s’est appuyée sur les éléments suivants : absence de contact, absence de préjudice, consentement éclairé à l’accomplissement des actes, absence de plaintes et similitude avec les spectacles de danseuses nues qui sont acceptés par la société.

Le tribunal a également statué que les actes de masturbations de la part des danseuses et des clients ne pouvaient être considérés comme de la prostitution compte tenu de l’absence de contact entre les clients et les danseuses. Un témoin expert a aussi affirmé que la masturbation est une pratique exercée par la majorité des citoyens et qu’elle est une pratique acceptée par la société. Même si les actes étaient accomplis dans un lieu considéré public, les jugent ont déterminé que le caractère privé des chambres permettait à deux adultes consentants de jouir d’une intimité suffisante. Si les actes avaient été exposés aux regards des gens, les jugent auraient probablement considéré ces actes comme étant indécents.

Les juges ont finalement décidé que les pratiques exercées au Pussy cat n’étaient pas indécentes. Les propriétaires du Pussy cat ont été acquittés et les danseuses de l’établissement ont pu reprendre leur travail.

LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME DANS LE PROCÈS MARA - 1997
Patrick Mara était le propriétaire de la taverne Cheaters située à Toronto. L’établissement servait de l’alcool et de la nourriture et offrait des services de divertissement pour adulte. Patrick Mara et son gérant, Allan East, responsable des divertissements, ont tous deux été accusés en vertu de la Loi 167 pour avoir permis la présentation de spectacles indécents. Les spectacles impliquaient des contacts sexuels entre les danseuses et les clients. Les clients pouvaient caresser et embrasser les seins des danseuses, ceux-ci pouvaient également se masturber mutuellement.

Dans ce procès, les juges ont statué que les activités étaient indécentes et causaient préjudice aux autres spectateurs présents dans la taverne. Les attouchements pouvaient être effectués à la vue de tous et outrepassaient la norme de tolérance sociale. Ils ont également décidé que les attouchements aux organes génitaux entre les clients et danseuses étaient préjudiciables à la société puisque selon eux, ces actes dégradent et déshumanisent les femmes, banalise la sexualité et contreviennent à la dignité et l’égalité des individus. Les jugent ont dit que les attouchements mettaient les danseuses et les clients à risque de contracter une maladie infectieuse. Ils ont décidé que les danseuses pratiquaient une forme de prostitution.

Contrairement à l’affaire du Pussy cat où se sont les actes pratiqués en privé qui devaient être qualifiés ou non d’indécents, ce sont les spectacles de la taverne Cheaster qui ont été jugés indécents. En 1997, la Cour a décidé dans l’affaire Mara, en vertu de l’article 167 de la Loi C-46 du Code criminel, que les attouchements aux seins et aux fesses causaient préjudices aux danseuses.

LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME DANS LE PROCÈS TREMBLAY - 1999
Tout juste deux ans après que la Cour suprême a condamné les attouchements entre les clients et les danseuses dans l’affaire Mara, la Cour suprême statue que les danses-contact sont légales au Canada.

Thérèse Blais Pelletier, propriétaire d’un club de danseuse situé à Joliette, dans la province de Québec, est accusée de permettre des actes indécents et de tenir une maison de débauche. À la fin du procès, les juges ont décidé que les danses-contact qui étaient pratiquées dans les isoloirs dont les rideaux sont partiellement ouverts ne constituent pas des actes indécents. La Cour a également mentionné que les seins et les fesses ne sont pas des organes génitaux et que les normes de tolérance de la société vis-à-vis les attouchements aux seins et aux fesses ont changé, ces pratiques sexuelles sont maintenant admises par la société.

Le 13 décembre 1999, la Cour suprême du Canada affirme que les attouchements aux seins et aux fesses des danseuses à l’intérieur des isoloirs ne peuvent être qualifiés d’indécents et annonce que les danses-contact sont légales au canada.

LA NORME DE TOLÉRANCE DE LA SOCIÉTÉ : UN CONCEPT QUI VARIE
C’est la Cour qui possède le pouvoir de décider si des actes sont tolérables ou non selon les standards de la norme de tolérance de la société. Les juges doivent évaluer le degré de préjudice qui peut résulter de la pratique d’actes sexuels. Ils vont notamment tenter d’évaluer si les actes sont nocifs pour la société et permettent à des personnes d’adopter des comportements antisociaux.

Ce qu’une société accepte et tolère peut changer et c’est la raison pour laquelle les jugent doivent tenir compte du contexte dans lequel se sont accomplis ces actes. Par exemple, la norme de tolérance de la société varie souvent en fonction du lieu où l’acte se pratique et de la composition de l’auditoire. On peut, par exemple, déterminer en partie que la société tolère les actes pratiqués dans un club de danseuses lorsqu’il n’y a aucune plainte de la part des voisins ou des clients.

En ce qui concerne le Canada, la danse-contact ne contrevient plus aux dispositions du Code criminel sur l’indécence. La Cour suprême a appuyé son raisonnement sur le fait que les mœurs de la société ont changé et cette activité est maintenant admise socialement. Les danseuses qui, dans un isoloir, permettent à leurs clients de toucher leurs seins et leurs fesses peuvent dorénavant le faire sans craindre d’être arrêtées et criminalisées.


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